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maisons élégantes, à grandes fenêtres, entourées de balcons et de terrasses ; des édifices publics de toute sorte, églises, théâtres, bâtimens administratifs ; des boutiques aux luxueuses devantures ; la féerie des lumières s’allumant le soir, le long des grandes artères dessinées au cordeau ; hors ville, de coquettes résidences, dans leur cadre de verdure et de fleurs ; de tels tableaux séduisent les imaginations, et ceux qui ne les ont pas contemplés en rêvent autant que ceux qui en ont été hypnotisés.


On dit qu’on y voit tous les jours,
Ni plus ni moins que les dimanches,
Des gens s’en aller sur le cours,
En habits neufs, en robes blanches.


Après ces visions enchanteresses, que l’imagination, incessamment, va encore colorer et parer de toute sa fantasmagorie, faut-il s’étonner si l’habitant des campagnes éprouve quelque dépit à reprendre sa place dans la modeste maison de ferme noircie par l’âge, réclamant au moins quelques soins de propreté que la crainte de la dépense a déjà fait ajourner bien souvent ? Le voit-on se remettant à circuler dans les ruelles tortueuses et étroites du village, avec les fumiers et les creux à purin en bordure ? Pour certains esprits, c’en est trop ; et de fort braves gens ont comme le sentiment de se débattre sous une malédiction du ciel.

Les villes sont, en outre, aux yeux de la masse paysanne, le lieu où l’on s’amuse. Veut-on des fêtes et des divertissemens, c’est là qu’il faut aller. Que le villageois, une fois ou l’autre, assiste même de loin à l’une de ces joyeuses occasions, il en gardera un souvenir ineffaçable. D’ordinaire, il est vrai, il ne connaît ces choses que par le bruit public, par les récits des journaux ou l’écho des conversations, mais cela même est assez pour lui faire venir l’eau à la bouche. Sont-ils heureux, fortunatos nimium, ces citadins ! Leur vie n’est pas monotone et nue. Ils n’ont que l’embarras du choix entre les plaisirs, et encore beaucoup de ces divertissemens ne leur coûtent-ils rien, étant offerts au public par les autorités ou par des sociétés particulières, en sorte que les pauvres y ont part comme les riches.

Les travaux de ville, se dit-on encore, sont autrement moins rudes que ceux des champs. Ils n’exigent pas cet énorme effort musculaire qui fait de celui qui s’y livre une sorte de bête de somme. Et de plus, ils sont de courte durée. L’atelier ou le