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LA CRISE DES CAMPAGNES
ET
DES VILLES

Nous traversons une crise, et cette crise est double. Un mal en a engendré un autre. Les campagnes se vident. Certes, ce n’est pas d’aujourd’hui que les habitans des districts ruraux quittent leur canton ou leur village pour aller loin de leur milieu tenter fortune dans quelque direction nouvelle. Depuis que le monde est monde, ou peu s’en faut, les cultivateurs, en proportions variables selon les temps et les contrées, n’ont jamais cessé de se faire citadins. On peut même soutenir que, dans les premiers âges, les villes ne comprenaient que des laboureurs, comme on disait jadis, dont les occupations agricoles peu à peu cédèrent le pas à d’autres genres d’activité, car il est à présumer qu’il a fallu attendre des siècles pour voir surgir des villes du type moderne. Toutefois cette émigration des travailleurs des champs vers d’autres carrières, a pris à notre époque une ampleur si extraordinaire et semble si loin de s’arrêter, qu’elle constituerait déjà, à elle seule, un fait nouveau et presque tragique.

Mais les campagnes ne se dépeuplent que pour aller grossir les agglomérations urbaines ou industrielles, également révolutionnées. Partout ce sont des localités qui s’emplissent et débordent, comme elles n’auraient jamais pu le faire par leur seule croissance interne, qui déchirent leur ancienne ceinture et changent d’aspect à vue d’œil, au point que ceux qui y ont toujours vécu, ont peine parfois à s’y retrouver. Ici, c’est le fourmillement d’êtres humains entassés les uns sur les autres. Ailleurs,