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responsabilité personnelle, à n’en autoriser en aucun cas l’affectation à un culte autre que celui auquel ils étaient antérieurement destinés » ; et dans un télégramme du 2 mars il réitéra l’ordre « de ne pas sembler favoriser des conversions collectives purement factices, de respecter les désaffectations accomplies, mais d’éviter qu’on en fît de nouvelles. » Ces instructions formelles, aussitôt transmises à qui de droit, jetèrent d’abord quelque émoi parmi les catholiques, mais le général Gallieni ne tarda pas à remercier le ministre[1] pour l’aide qu’elles lui avaient apportée dans le règlement d’interminables conflits.

A peine vidée d’un côté, la querelle renaissait par ailleurs : on s’agitait fort autour de la reine Ranavalo, dont la profession religieuse semblait aux uns ou aux autres avoir une importance exceptionnelle. On avait été obligé d’éloigner d’elle, sauf pour les cérémonies publiques du culte, ses pasteurs officiels malgaches qui, anciens élèves de la London Missionary Society, l’entretenaient dans un pitoyable état d’esprit à l’égard de la France ; le premier pasteur français qui remplit des fonctions régulières au palais mettait trop souvent la préoccupation religieuse au-dessus du devoir national immédiat, et gémissait avec elle sur la diminutio capitis infligée aux missions anglaises. Le chef de la mission jésuite, Mgr Cazet, évêque in partibus, crut le moment opportun pour tenter un effort suprême à l’effet de conquérir à sa foi la reine Ranavalo. On dut tout d’abord réprimer son ardeur et le prier de laisser celle-ci en paix. Mais bientôt ce fut contre Ranavalo elle-même qu’il fallut lutter. Comme la plupart de ses sujets, elle se demandait si elle ne se concilierait pas les bonnes grâces de la France en revenant à la religion catholique qu’elle avait autrefois pratiquée : par deux fois elle interrogea le général Gallieni[2] pour savoir s’il ne conviendrait point qu’elle se convertît ; par deux fois il lui fut répondu que la France restait profondément indifférente à cette question ; dans une circonstance même, on dut lui interdire de sortir de son palais pour aller aux vêpres.

Le gouvernement ne cessait pas d’encourager le général Gallieni dans sa résistance aux fantaisies royales et aux compétitions des divers missionnaires : « J’estime, écrivait le ministre le 9 janvier 1897, que la conversion de la reine au catholicisme serait plus nuisible qu’utile en tout état de cause. Cette conversion se

  1. Rapport du 28 mars.
  2. Lettre privée de ce dernier du 25 janvier 1897.