Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/813

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

administrative qui, pour la nourriture, le casernement, etc., leur permettra de créer des relations économiques avec le voisinage, montrant ainsi que, partout où il s’implante, le drapeau apporte avec lui non pas seulement la paix publique, mais l’activité commerciale[1]. Bref, le recours à la force brutale ne doit être qu’exceptionnel et limité ; c’est la pénétration lente, le rayonnement progressif du centre vers le pourtour de l’île, qui est la règle.

Quant à l’attitude à prendre vis-à-vis de la reine Ranavalo, le général Gallieni se demanda, dès la première heure, s’il ne conviendrait pas de la déposer et de la remplacer par quelque autre membre de sa famille, moins vaniteux, moins encombrant et plus dévoué. Il s’aperçut très vite qu’elle jouissait encore, dans les campagnes plus peut-être qu’à Tananarive, d’un certain prestige, et qu’il eût été de mauvaise politique de faire disparaître un rouage dont on pouvait tirer quelque parti au profit de l’influence française. Mais il ne s’en appliqua pas moins, par quelques actes significatifs, à montrer à elle-même et aux tiers que les choses ne se passeraient plus désormais comme devant. Au lieu de lui faire visite, à son entrée en fonctions, il attendit quelle prît l’initiative de rendre hommage au représentant de la France ; lorsqu’il se rendit ensuite au palais royal, il exigea que le pavillon hova fût enlevé et remplacé pour jamais par le drapeau tricolore ; il prescrivit à la reine de ne plus s’intituler désormais que « reine des Hovas » et de ne plus s’occuper que de l’Emyrne ; il s’empara, enfin, du grand sceau de l’Etat, de manière qu’on ne pût plus l’appliquer sur des pièces qui n’auraient pas été visées par l’autorité française. « En résumé, disait-il[2], la reine est maintenue au pouvoir, mais, tout en continuant à recevoir les honneurs de nature à rehausser encore son prestige aux yeux des Hovas, elle a été dépouillée à notre profit de toutes les prérogatives

  1. A cet effet, le ministre avait expressément invité le général en chef à introduire dans l’administration des corps et détachemens le système des « masses, » qui leur permet de se pourvoir sur place et de ne recourir aux magasins qu’à défaut de ressources locales. Ce système, en opposition radicale avec les traditions des troupes de la marine, donna les meilleurs résultats : au point de vue financier, il limita les charges budgétaires, puisqu’il consiste essentiellement dans une sorte d’abonnement fixe contracté avec les troupes elles-mêmes pour leur entretien, au lieu de les servir avec des rations transportées de loin à grands frais ; au point de vue moral, il développa l’initiative des chefs de postes, et intéressa les populations, qui fournissaient les garnisons, au voisinage de nos troupes.
  2. Rapport du 10 octobre 1896.