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VII

Cependant les complications s’accumulaient. Le Roi était l’objet à Bade d’une tentative d’assassinat. A la Diète, les projets de réforme pullulaient. L’Autriche protectionniste s’efforçait dempècher la conclusion avec la France d’un traité de commerce qui diminuait les droits. L’opinion publique s’enflammait en faveur du peuple de la Hesse en lutte avec son Duc.

En Prusse même, les résistances contre la loi militaire, qui s’identifiaient de plus en plus avec l’aspiration au système parlementaire, augmentaient. À cette occasion un député et le chef du Cabinet militaire du Roi, Ervin de Manteuffel, se battirent en duel, et le Roi fut obligé de se séparer momentanément de ce dernier, condamné à un temps de forteresse.

Les adversaires décidés de la réforme arrivaient en immense majorité dans le nouveau Landtag élu le 6 décembre 1861 : Roon et Bernstorff en étaient exclus ; la fraction conservatrice n’y comptait que vingt-quatre voix. Les nouveaux élus écartèrent la transaction boiteuse du Landtag précédent et rayèrent du budget tous les crédits affectés à la réorganisation de l’armée.

Le Roi dissout le Landtag ; fatigué des mollesses de ses ministres de l’ère nouvelle, il se sépare d’eux. Au prince de Hohenzollern, leur chef nominal, que sa santé empêchait de s’occuper des affaires, il adjoint comme substitut un autre impotent, Hohenlohe-Ingelfigen, président du Sénat (18 mars 1862). Le véritable chef était le ministre des finances Heydt, auquel Roon et Bernstorff continuaient leur concours.

Les élections qui suivirent la dissolution du Landtag renvoyèrent la même majorité parlementaire hostile à la réforme militaire (6 mai 1862). On crut alors que l’heure de Bismarck avait sonné, surtout quand on le vit à la parade de la Garde portant pour la première fois un uniforme de major de cuirassiers. Connaissant son Roi, il savait qu’il aurait plus de prestige à ses yeux, s’il se présentait en costume militaire, et il avait sollicité ce grade qui, disait-il, lui permettrait de figurer mieux à Pétersbourg ; le chef du cabinet militaire, Manteuffel, après le lui avoir longtemps refusé, le lui avait enfin accordé. Ce ne fut pas à Pétersbourg que Bismarck se para de son bel uniforme. Le Roi, importuné par Roon, l’avait encore une fois rappelé de son ambassade,