Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/698

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vienne, en 1873. En 1878, à Paris, ce soin incomba à M. Lauth qui écrivit à ce propos une étude magistrale sur les conditions de notre industrie française, sur les causes de son état languissant comparé à l’essor qu’elle a pris chez nos rivaux et sur les remèdes énergiques que réclamait cette situation. Il a montré avec beaucoup de force que le mouvement rapide qui entraînait cette branche de l’industrie chimique dans les voies du progrès, et auquel nous avions vigoureusement contribué, au début, n’était plus secondé chez nous. En 1889, M. Jungfleisch étendit et compléta l’histoire si instructive dont ses prédécesseurs avaient écrit les premiers chapitres. Enfin, le rapport sur l’exposition de Chicago, en 1893, fut confié à M. Haller, le fondateur de l’Institut chimique de Nancy, c’est-à-dire de la meilleure institution que la France puisse opposer aux Instituts technologiques de l’Allemagne. C’est à ce travail, rempli des observations les plus intéressantes et des vues les plus hautes, que nous emprunterons une partie de nos renseignemens.


I

Le sens général des transformations subies par l’industrie des matières colorantes est caractérisé d’un mot. C’est la substitution tantôt lente et progressive, d’autres fois brutale, des produits fabriqués artificiels aux produits naturels. La révolution s’est opérée, par conséquent, aux dépens de l’industrie agricole, dans la plupart des cas. C’est un fait qui se répète sans cesse. Des couleurs empruntées jusque-là aux végétaux et aux animaux sont un beau jour obtenues par les procédés artificiels, du laboratoire ou de l’usine. Du coup, une culture florissante est menacée ; elle décline bientôt et disparaît ; un pays naguère en pleine prospérité se trouve, en peu de temps, sous le coup de la ruine.

Les exemples abondent. Le premier en date qui est, en même temps, l’un des plus célèbres est fourni par l’industrie de la soude. A la fin du siècle dernier, elle était exclusivement agricole. On tirait alors la soude des plantes récoltées sur le littoral de la mer, au voisinage des salines, le long des lacs salés et des étangs saumâtres. Ces végétaux marins, herbes ou arbrisseaux, tels que soudes, baril les, salicors, chénopodes, pourpiers de mer, cresse de Crète, etc., étaient particulièrement exploités sur les côtes de