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et, soumis à un sévère interrogatoire, il avoua sincèrement qu’un des objets de sa mission était de rapporter à Dingaan l’état des armées combinées des Boers et des Zoulous. Panda, qui en voulait personnellement à Tamboosa, un des principaux conseillers de Dingaan, l’accusa d’avoir conseillé le meurtre de Retief et de ses compagnons, si bien que, contrairement à toutes les règles admises chez les nations civilisées, les Boers emmenèrent comme prisonniers, à la suite de l’armée, les deux envoyés de Dingaan. Arrivés au bord de la rivière des Buffles, ils constituèrent une cour martiale, qui prononça contre les malheureux une sentence de mort. Tamboosa reprocha noblement à ses juges la violation des usages admis envers les envoyés, même chez les sauvages, et se déclara prêt à mourir, demandant grâce seulement pour son jeune compagnon, qui n’avait fait que suivre son maître comme aide de camp. Ce fut en vain : tous deux furent passés par les armes. Devant le jugement impartial de l’histoire, cette exécution est la seule tache qui obscurcisse l’épopée des Boers.

Quelques jours après, les Boers, avec leurs nouveaux alliés, marchèrent pour la dernière fois contre le Napoléon de l’Afrique. Ce fut un terrible spectacle que celui des deux armées zouloues se rencontrant sur le champ de bataille, l’une combattant pour la liberté et la vie, l’autre stimulée par l’esprit de vengeance et par la crainte. Au cours de l’action, un ou deux régimens de Dingaan firent défection au profit de Panda, et c’est ce qui décida de la victoire. Quand la lutte prit fin, Dingaan était fugitif et sa puissance brisée à jamais. Il s’enfuit vers le Nord et chercha un asile auprès d’une tribu indigène aux environs de la baie de Delagoa. Le meurtrier y trouva le sort qu’il méritait : le peuple chez qui il s’était réfugié, redoutant de le cacher, le mit à mort. Panda fut proclamé roi du Zoulouland, et les Boers commencèrent à espérer la fin de leur misères. Le 14 février 1840, ils se rassemblèrent sur les bords de l’Umvoloos, constituèrent un Volksraad sous la présidence de Pretorius, et proclamèrent leur souveraineté sur le Natal.

Depuis le rappel des troupes britanniques, les Boers considéraient leur nouveau pays comme un État indépendant, et ils désiraient faire partager cette opinion par le gouvernement anglais, car ils ne se dissimulaient pas qu’ils ne pourraient fonder une nationalité stable que si leur indépendance était reconnue par l’Angleterre. C’est dans ce sens que, le 4 septembre 1840, ils envoyèrent