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pris de panique. Trompés par cette ruse, les Anglais s’étaient lancés à leur poursuite pour tomber dans un guet-apens et se faire envelopper par 7 000 Zoulous : ce fut un combat désespéré, un des plus horribles massacres dont l’Afrique australe ait jamais été le théâtre : des deux côtés périrent des milliers de noirs, et quatre Anglais seulement purent échapper à la mort et porter au Natal la sinistre nouvelle.

Enhardis par leur double victoire, les Zoulous marchèrent sur Durban dans le dessein d’exterminer tous les blancs. Lors du meurtre de Retief, le missionnaire Owen avait fui le kraal de Dingaan pour se réfugier à Durban : son journal, un des rares Documens de l’époque, rapporte que le navire la Comète mouillait justement dans les eaux de la baie de Natal lors de l’arrivée des Zoulous, circonstance providentielle à laquelle les blancs durent de n’être pas tous massacrés ; tout le monde se réfugia sur le navire, d’où l’on put observer avec une lunette les mouvemens des noirs : ils allèrent de maison en maison, détruisant tout ce qu’ils trouvaient, puis s’en retournèrent auprès de Dingaan.


V

Découragés par la perte de tant de braves, les Voortrekkers commencèrent à désespérer de trouver jamais une terre où ils pourraient vivre en paix. Leur situation était plus sombre qu’elle n’avait jamais été. Les Zoulous étaient vainqueurs des Boers et des Anglais ; ils avaient massacré 600 Voortrekkers, hommes, femmes et enfans ; et, comme on pouvait bien prévoir que Dingaan ne laisserait point de repos aux blancs, beaucoup se demandaient si ce n’était pas folie de vouloir encore rester au Natal. Quelques-uns ne parlaient de rien moins que de retourner dans la colonie du Cap, comme les y invitait une amicale proclamation du gouverneur sir George Napier. « Renonçons, disaient-ils, à une entreprise impossible, et retournons dans nos anciens foyers ! » Mais les femmes relevaient les âmes abattues. Elles ne voulaient pas entendre qu’on abandonnât la lutte avant d’avoir vengé le sang innocent répandu par Dingaan. Et ce furent les femmes qui rendirent le courage aux hommes. Il y eut cependant quelques défections, telles que celle de Potgieter et de ses partisans, qui s’en retournèrent au Transvaal et y fondèrent le village de Potchestroom.