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les Boers. Relief répondit qu’un pareil accueil lui faisait oublier toutes les fatigues de son voyage. On a prétendu que les Anglais eurent une part dans les désastres que les Boers allaient essuyer bientôt ; mais cette assertion n’a jamais été démontrée. En vue de préparer l’établissement des Voortrekkers au Natal, Retief résolut de se rendre chez le grand chef des Zoulous, afin de régler amicalement avec lui les cessions de territoires. Il partit le 28 octobre avec deux Anglais, John Cane et Thomas Halstead, qui l’accompagnaient comme guides et interprètes. Le 5 novembre, il arriva avec les siens à Umkungunhlovni, le grand kraal du puissant chef Dingaan.

Cette ville cafre, assise sur le versant d’une montagne, au bord d’un cours d’eau, comprenait 1 700 huttes dont la plus grande était naturellement celle du chef. Retief la décrit comme une magnifique demeure, de vingt pieds de diamètre, dont le toit reposait sur vingt-deux piliers, et dont le plancher brillait comme un miroir. Dingaan, pour faire paraître sa puissance et sa richesse, ne reçut Retief que trente jours après son arrivée, et organisa dans l’intervalle toutes sortes de réjouissances en l’honneur de son hôte. Enfin, le trentième jour, Dingaan donna audience à son hôte, vêtu d’un magnifique costume à raies noires et rouges. Retief voulut entrer tout de suite en négociations, mais le chef lui répondit que le moment n’était pas venu, qu’il fallait se connaître davantage et ne point se hâter. Et il l’engagea à se reposer, puisqu’il venait de si loin, et à jouir des plaisirs que lui offrait le chef des Zoulous. Comme Retief insistait, Dingaan lui dit qu’il avait été pillé par des hommes qui montaient à cheval, qui avaient des fusils et qui étaient habillés comme les Boers. Il soupçonnait les Boers d’être les coupables, et il exigeait qu’ils fournissent la preuve de leur innocence en obtenant des ravisseurs la restitution du bétail qui avait disparu. À cette condition, il s’engageait à donner le Natal aux Boers. Retief savait que le vrai coupable était Sikonyella, le chef des Mantatis, tribu établie de l’autre côté du Drakensberg. Il n’était guère disposé à se charger de la mission que lui proposait Dingaan. Mais, en homme loyal qu’il était, il voulait prouver l’innocence des Boers, et il accepta le marché, s’engageant à s’acquitter de cette désagréable besogne. Cette faute devait lui être fatale. Comme l’a remarqué Kestell, ce chevalier sans peur et sans reproche avait une noblesse de caractère qui était tout à la fois sa force et sa faiblesse.