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vie pure et ne s’avilirent jamais par l’ivrognerie, la luxure, les rixes, qui sont inévitables parmi les hommes livrés au seul empire de leurs passions. Le fait serait inexplicable, si l’on en recherchait la cause ailleurs que dans la crainte de Dieu et les principes du Décalogue qui inspiraient les Boers.


I

Le grand trek[1] eut pour cause le mécontentement des Afrikanders qui résidaient dans la colonie du Cap. Ces Afrikanders étaient les descendans des émigrés hollandais qui avaient fondé la colonie conquise par l’Angleterre. Ils se plaignaient d’être administrés par un gouvernement résidant à deux mille lieues de leur pays ; ils voulaient s’affranchir de la domination étrangère ; ils aspiraient à vivre dans une contrée où ils pourraient jouir de la liberté et se gouverner eux-mêmes. C’est de Graaf Reinet que partit le signal du mouvement qui devait soulever tout le pays. Lors de l’annexion du Cap par l’Angleterre, les colons de Graaf Reinet furent les seuls qui refusèrent de reconnaître le nouveau gouvernement. Le drapeau britannique, qui avait été hissé, fut ramené par trois hommes déterminés, dont deux portaient des noms aujourd’hui illustres, Kruger et Joubert. L’âme du mouvement était Marthinus Prinsloo, le « protecteur du peuple, » comme l’appelaient les Boers. Mais, comme ils n’avaient pas de munitions, et que les secours qu’ils attendaient n’arrivaient pas, ils durent finir par se soumettre au nouveau gouvernement. Un grand nombre, toutefois, refusèrent de prêter le serment de fidélité. Le Dr Kuyper, député aux États généraux de Hollande, a rappelé ici[2] l’impitoyable sévérité avec laquelle le gouvernement sévissait contre les rebelles. Cinq d’entre eux furent saisis, traînés à l’échafaud et pendus deux fois par suite de la rupture de la poutre qui se rompit sous leur poids. Le souvenir de cette scène effroyable

  1. Nous avons suivi, pour l’histoire du grand trek, des ouvrages peu connus, écrits dans la langue des Boers, et rapportés d’un voyage en Afrique australe, principalement : J. D. Kestell, De Voortrekkers. Paarl, 1893. — Henri Coete, Vijf Voorlezingen over den Grooten Trek. Pietermaritzburg, 1852. — N. Hofmeyr, De Afrikaner Boer en de Jameson inval. Kaapstad, 1896. — Léon Cachet, De Worstelstrijd der Transvalers. Amsterdam, 1882. — C. J. Van der Loo, De Geschiedenis der Zuid Afrikaansche Republiek. Zwolle, 1896. — H. B. Sidevel, The story of South Africa. Capetown, 1891. — Theal, History of South Africa. — Lucas, The History of South Africa.
  2. La Crise Sud-Africaine, 1er février 1900.