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arrivait que sous une forme indirecte et tronquée. Après il était bien plus absurde de refuser aux écrivains le droit de reprendre pour leur compte les idées ou les critiques qui étaient publiées dans le compte rendu des Chambres.

Persigny ne s’éloigna pas de son programme en frappant d’un avertissement le Courrier du dimanche et en expulsant son directeur, Gregory Ganesco, qui n’était pas Français (29 janvier 1861). L’article contenait un véritable outrage contre les institutions. Il fut moins bien inspiré dans la manière dont il usa du pouvoir d’accorder ou de refuser l’autorisation de fonder des journaux. Je lui en demandai une : il me considéra comme un ennemi de l’État et de la dynastie et me la refusa. Il traita de même Louis Veuillot, qui avait donné de nombreuses marques d’adhésion à l’Empire et ne différait avec lui que sur une de ces questions de conduite politique qu’il avait promis de livrer au libre débat. Nefftzer le trouva moins rébarbatif. Le matin Alsacien qui, depuis 1839, avait repris à la Presse, propriété de Solar, l’associé de Mirés, la place que Milhaud lui avait retirée sur l’injonction du prince Napoléon, capta le ministre par les habiles flatteries de son bulletin quotidien. Sur son affirmation qu’il était étranger à toute préoccupation de parti, il obtint l’autorisation de fonder le Temps. Il marqua immédiatement la valeur de ses promesses en donnant son journal à l’argent orléaniste ; depuis, il ne manqua pas une occasion de saper l’Empire, et nul ne lui sera plus féroce sous une apparence de modération.

VII

L’appel que Persigny adressait aux hommes d’anciens partis ne fut guère entendu. Ils continuèrent à saisir toutes les occasions de mordre ou de déchirer. Ils ne laissèrent pas échapper celle que leur offrait la réception de Lacordaire à 1’ Académie (24 janvier 861). Tous les coryphées de l’opposition étaient accourus. L’Impératrice et le prince Napoléon, venus aussi, purent entendre les applaudissemens répétés qui, aux deux discours, soulignèrent ce qu’on supposait être désagréable à l’Empire : « la crainte qu’inspire au tyran la parole de l’homme sur les lèvres de l’orateur ; Tibère, ce despote qui se croit tout permis, parce qu’il fait tout au nom du peuple, etc. » Mais, même là, on commençait à être rassasié de ces lieux communs de haine. On attendait l’attaque contre la politique