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[1]: le roi règne et ne gouverne pas. Je voulais tenter une œuvre nouvelle, originale, et constituer la liberté telle qu’elle pourrait s’adapter à un Empire et à un Empereur.

Or, il ne peut pas y avoir d’Empire, si l’Empereur n’est actif et responsable : il l’était. Je souhaitais seulement qu’il ajoutât à sa responsabilité devant la nation celle de ses ministres devant le Parlement.

On m’objecterait qu’hérédité et responsabilité sont inconciliables, que l’une doit dévorer l’autre. Une objection ne m’a jamais arrêté ; il y en a d’insolubles contre tout. Dès que la raison de décider a été saisie, tant pis pour l’objection si elle subsiste ! La logique, du moins celle que pratique notre raison bornée, n’est pas la règle des événemens humains. L’Italie a détruit le pouvoir temporel au nom d’un Statut qui reconnaît la religion catholique comme religion d’État ; nous voyons depuis trente ans fonctionner une république au milieu d’institutions monarchiques. Mieux vaut vivre dans une constitution illogique que de mourir par la logique. L’esprit d’intuition et de finesse vaut plus dans les affaires que l’esprit logique. En fait, hérédité et responsabilité s’excluent si peu, que partout, en dépit des constitutions, les peuples les associent. Partout, ils font remonter au monarque, qu’il ait ou non des ministres responsables, tout le bien et tout le mal qui s’opère dans le royaume ; partout, ils le chassent, eût-il des ministres responsables, dès que le mal leur parait intolérable : les révolutions de 1830 et de 1848 l’attestent. L’irresponsabilité royale n’est qu’un a priori de la théorie que les faits n’ont pas sanctionné.

C’est par l’insurrection que jusqu’à présent on a rendu effective la responsabilité royale. En la reconnaissant constitutionnellement, on pourrait en organiser le fonctionnement légal.

Selon le penseur de la Révolution, Siéyès, le concours immédiat de la multitude à la formation de la loi est ce qui constitue la véritable démocratie[2]. Ce gouvernement direct était pratiqué au XVe siècle dans les communes françaises : le peuple tout entier élisait ses officiers municipaux, on le consultait sur les affaires graves et on lui rendait compte. Aux États-Unis, en principe, il n’y a point de conseil municipal, le corps électoral nomme directement ses magistrats, select-men, et les dirige lui-même dans

  1. Fonfrède.
  2. Septembre 1789. Sur la sanction.