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Humbert, question d’autant plus délicate que leurs personnes y sont engagées, et on se demande s’ils n’auraient pas éprouvé quelque embarras à se rencontrer, même chez un tiers également ami de l’un et de l’autre, ou qui se donne pour tel. Ne serait-ce pas en partie pour ce motif que le roi Humbert n’est pas allé à Berlin ? S’il y était allé et s’il avait témoigné à l’empereur François-Joseph la déférence qu’il devait à son âge, qui sait si ses sujets italiens n’en auraient pas éprouvé une irritation aussi vive que celle qu’ils ont ressentie du fait qu’il n’avait pas été invité ? Peut-être ne pouvait-il ni repousser, ni accepter cette invitation ; et peut-être est-ce pour cela qu’on ne la lui a pas adressée.

Il n’y a rien de moins conforme à la nature, aux sentimens naturels, aux intérêts naturels, que l’alliance de l’Italie et de l’Autriche. Rien n’est plus artificiel, ou, si l’on préfère, n’est plus complètement un effet de l’art politique. Cela est si vrai que les Italiens eux-mêmes expliquent quelquefois leur entrée dans la Triple Alliance comme une mesure de précaution qu’ils ont dû prendre contre les mauvais desseins de l’Autriche. Ils se sont faits alliés de peur de devenir ennemis. Crainte bien chimérique, d’ailleurs ! nous ne cesserons pas de le dire. L’Italie n’est menacée par personne, pas plus par l’Autriche que par la France. Elle ne pourrait l’être un jour que par les démarches parfois imprudentes où la poussent des alarmes sans fondement. Elle n’avait qu’à se laisser vivre bien doucement en Europe, et à développer son industrie au dedans et son commerce au dehors. Elle a préféré d’autres destinées : après tout, cela ne regarde qu’elle. Mais revenons aux fêtes de Berlin. Il est sûr que, pour un motif ou pour un autre, l’Italie n’y a pas été représentée comme elle aurait dû l’être, et il semble bien qu’elle en ait eu le sentiment, mêlé à la fois d’impatience et d’amertume. Les peuples ne voient que les faits ; ils en ignorent souvent les causes, et ne peuvent juger que sur les apparences.

L’Italie n’étant représentée que par le prince de Naples, toute la place était laissée à François-Joseph, qui est apparu comme le patriarche de l’Europe monarchique. Nulle figure ne pouvait d’ailleurs mieux que la sienne donner aux fêtes de Berlin la signification que l’empereur Guillaume désirait, mais que, peut-être, il n’avait pas espéré réussir aussi bien à leur imprimer. La présence de François-Joseph était, en effet, la consécration éclatante de l’Empire allemand sous sa forme et avec sa constitution actuelles, faite par un des hommes qui en ont le plus cruellement souffert. Quelle extraordinaire puissance d’oubli la politique n’impose-t-elle pas au besoin à un souverain ? Il est possible