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par là, la route est ouverte. » Mettre en lumière les causes du succès ou de l’insuccès d’une pièce, c’était pour lui le tout de sa besogne. Il est à peine besoin de remarquer que, si une pièce lui semblait mériter un meilleur accueil que celui qu’elle avait reçu, il ne se faisait pas faute de le déclarer : la franchise était son mérite. Mais il ne se permettait pas de croire qu’il pût avoir raison contre le public : il retournait voir la pièce ; il s’efforçait de découvrir les raisons du malentendu survenu entre fauteur et le public. Tel est l’office auquel il restreignait la critique : c’est à constater les goûts de la foule et en les constatant les renforcer.

Les genres littéraires se modèlent sur les goûts du public et chaque moment de l’histoire des lettres correspond à un moment de l’histoire de la société. A la date où Sarcey commence à fréquenter les théâtres, la comédie de mœurs vient de se constituer ; Dumas fils a donné la Dame aux Camélias, Diane de Lys, le Demi-Monde, la Question d’Argent, le Fils naturel, un Père prodigue ; Emile Augier l’Aventurière, Gabrielle, Pkiliberte, le Gendre de M. Poirier, le Mariage d’Olympe, les Lionnes pauvres ; Labiche ses premiers vaudevilles. Sarcey arrive de sa province et de sa classe. Les pièces qu’il ne connaît guère que pour les avoir lues ou pour en avoir trouvé le compte rendu dans les feuilletons de Fiorentino, il les entend, mêlé à ce public parisien dont il fait désormais partie. C’est pour lui un éblouissement. Il y trouve un plaisir passionné qui se change en respect. Il voua désormais au répertoire contemporain une sorte de dévotion. « La comédie de mœurs a donné Mercadet, le Gendre de M. Poirier, le Demi-Monde, les Faux Bonshommes, tout le répertoire d’Augier, de Dumas fils, de Barrière. Le vaudeville a-t-il jamais rien produit de plus gai, de plus spirituel que Célimare le bien-aimé, et Labiche en a fait au moins trois ou quatre qui sont aussi bons, sans compter des centaines d’autres qui ont encore leur mérite. Et Sardou, cet esprit si actif, si pétillant, si fertile en ressources ingénieuses ! Et Meilhac, ce curieux et fin observateur des infiniment petits de la vie parisienne ! Et Lambert Thiboust, si franchement, si bonnement comique, le Désaugiers de ce temps-ci. Qu’on me cite un siècle où le théâtre ait eu à présenter à la fois tant d’hommes hors ligne ! » C’est Sarcey qui a le plus fortement contribué à accréditer l’opinion que pour la production dramatique le XIXe siècle supporte la comparaison avec le XVIIe. Tout ému encore, pénétré et ravi, Sarcey recherche les causes de son plaisir et fait le compte des moyens dont se servent les auteurs à qui il le doit. Il procède par expérience. Et aussitôt, généralisant son expérience, il conclut que