Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

varier avec les situations, qui sans cesse se métamorphosent.

Parmi les membres distingués de cette droite que Barante eut l’occasion de connaître plus particulièrement, je citerai MM. de Vaublanc, de Bonald et Ferrand.

Du courage, de l’esprit, une souplesse plus réelle qu’apparente, des facultés d’improvisation servies par une mémoire excellente, par la méditation et l’étude continuelle des grands écrivains politiques, une froide audace qui ne se dément jamais, ni au milieu des orages de la Législative et de la Convention, ni devant l’émeute, ni dans les luttes parlementaires contre le parti libéral sous la Restauration, la conception énergique, excessive du principe d’autorité, l’amour de l’action politique, du gouvernement, l’activité de la pensée, la préoccupation constante de moraliser, de philosopher sur les événemens présens, de les comparer à ceux du passé, tel se dessine le comte de Vaublanc, qui, successivement, fut soldat, orateur, historien, poète, auteur dramatique, député, préfet de l’Empire, ministre de la Restauration. D’autres étudient l’homme privé, les ressorts qui donnent le branle à ses affections : Vaublanc a étudié, il décrit dans ses Mémoires, non sans une certaine sagacité, l’homme parlementaire, l’homme de parti, le jeu des coulisses de la politique, les pensées de derrière la tête, les élans subits des assemblées. Il a le sens du pittoresque, aime les voyages, la musique, la poésie, lit Plutarque, La Fontaine et Racine pendant ses proscriptions, pratique beaucoup Montaigne, Retz, Pascal, s’inspire de Montesquieu. Un jour, après une de ses meilleures improvisations, un député lui dit : « Vous avez appris par cœur. — Non point par cœur, répond, il, mais par tête, car j’ai tout cela dans ma tête depuis trente ans. » Voilà, selon lui, le secret de l’orateur, il réfléchit avant de parler, et les idées amènent naturellement les expressions. On sait d’ailleurs que la plupart des discours prononcés à la Constituante, à la Législative étaient écrits, que beaucoup de ceux-ci étaient manufacturés au dehors, que Mirabeau, par exemple, ne se faisait aucun scrupule de débiter une opinion composée par Reybaz, Duraont ou Pellenc. Le préjugé persistait sous la Restauration, et force députés se plaignaient que « Vaublanc ne les jugeât pas dignes d’entendre un discours écrit. »

Barante n’aime pas les ultras, et, on 1815, Vaublanc se rangeait plutôt parmi ceux-ci. Et puis il n’avait pas à se louer de ce ministre, dont le premier acte fut de se priver de ses services comme