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de préparer les mesures propres à réaliser le vœu de la Chambre. Etudiez également l’établissement de libres contrats de travail ou de location des terres occupées par les anciens esclaves non encore propriétaires. Enrôlez dans les milices, pour essai, les affranchis sans travail et pouvant utilement servir. Quinze gardes européens[1] partiront le 10 juillet ; d’autres suivront. Appliquez tous vos efforts à exécuter les décisions du Parlement et à assurer l’ordre. » A quoi M. Laroche répondait le 10 juillet[2] : « Je suis prêt à abolir l’esclavage quand vous voudrez ; si la chose doit se faire, mieux vaut la brusquer, » Le 10 août, il transmit par la poste un projet d’arrêté, préparé par la commission locale dont l’institution avait été prévue par les instructions du 9 juin, et qui réalisait l’émancipation immédiate et complète. Parvenu à Paris le 10 septembre, cet arrêté fut aussitôt approuvé par le ministre dans le câblogramme du 14 et promulgué le 26 à Tananarive par M. Laroche à l’heure où il remettait ses pouvoirs au général Gallieni[3].

La mesure fut accueillie avec enthousiasme par les affranchis de l’Emyrne, à tel point même qu’on put se demander si, édictée un an plus tôt, au moment de la prise de Tananarive, elle n’eût

  1. Destinés à former des cadres pour la milice.
  2. Arrivé le 21 à Paris.
  3. Voici le texte de cet arrêté :
    « ARTICLE PREMIER. — Tous les habitans de Madagascar sont des personnes libres. — Art. 2. — Le commerce des personnes, sous quelque forme que ce soit, est interdit à Madagascar. Tout contrat écrit ou verbal stipulant vente ou achat de personnes est nul et ses auteurs seront punis d’une amende de 500 à 5 000 francs et d’un emprisonnement de deux mois à deux ans ; en cas de récidive, ces peines seront triplées. Seront passibles des mêmes peines les officiers publics qui auraient enregistré le contrat ou contribué à en faciliter l’exécution. — Art. 3. — Le maximum des mêmes peines frappera toute personne qui aura usé de contrainte pour en entraîner une autre hors de sa province en vue de la vendre, et tout officier public qui, informé de cette contrainte, n’aura pas usé de ses pouvoirs pour y mettre obstacle. — Art. 4. — Les hommes rendus libres par le bienfait de la présente loi, mais qui se trouvaient auparavant dans la condition d’esclave auprès de maîtres dont ils désirent ne pas se séparer, pourront rester chez ces anciens maîtres, s’il y a consentement réciproque. — Art. 5. — La France s’interdit de frapper sur le peuple malgache aucune contribution de guerre. des secours, sous forme de concessions territoriales, pourront être accordés aux propriétaires dépossédés qui seraient reconnus dans le besoin. »
    La question de la corvée était intimement liée à celle de l’esclavage. L’ancienne loi malgache conférait à l’autorité un droit arbitraire d’arracher les indigènes à leurs travaux personnels pour les affecter à des services publics ou particuliers. L’administration française renonça, comme de juste, à ce dernier emploi, qui était une source d’effroyables abus. Quant au service public, elle limita à 52, puis à 30, le nombre des journées de prestation dues par les indigènes, mais en même temps elle nourrit les prestataires et leur alloua un salaire.