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de tempête, le fragile échafaudage des mesures préparatoires et transitoires élaborées dans les bureaux administratifs ; en vain le gouvernement, la commission, d’autres orateurs en leur nom personnel, cherchèrent-ils à enrayer le mouvement. La Chambre se donna la satisfaction de voter à l’unanimité un ordre du jour ainsi conçu : « L’esclavage étant aboli à Madagascar par le fait que l’île est déclarée colonie française, le gouvernement prendra des mesures pour assurer l’émancipation immédiate. »

Il y avait bien, dans cet ordre du jour, l’emploi d’un verbe au futur qui permettait au gouvernement de choisir son heure et de s’armer pour parer à certains des inconvéniens qui pouvaient résulter d’une décision aussi radicale. Mais l’affirmation impérieuse du début, suffisait à elle seule à entraîner après elle toutes les conséquences politiques et sociales que l’on avait redoutées. Au vrai, ce dernier résultat eût été atteint, sans qu’il eût été besoin d’un vote formel, par cette seule circonstance que le débat avait été abordé publiquement et avait obligé tous les orateurs sans exception à faire des déclarations catégoriquement hostiles au principe même de l’esclavage : que l’émancipation fût désormais immédiate ou seulement prochaine, qu’elle se fît sans conditions aucunes ou avec de médiocres tempéramens, cela devenait en définitive assez indifférent, l’effet moral étant maintenant produit, soit en bien, soit en mal. Dès lors, rien n’eût servi d’avoir l’air de marchander ou d’hésiter : tout retard même eût risqué d’empirer la situation en privant la France des sympathies que pouvait lui procurer une mesure décisive et rapide parmi les nouveaux affranchis, fort excités sans doute par la perspective d’une prompte libération et fort peu experts sur la valeur toute relative qu’on attribue en général aux ordres du jour parlementaires. La sagesse, qui commandait naguère des atermoiemens, imposait maintenant de la hâte. On se hâta, en effet.

Un échange de télégrammes, aussi rapide que le permettait la lenteur coutumière des communications, eut lieu entre Paris et Tananarive. « La loi d’annexion, manda le ministre le 23 juin, n’est pas encore adoptée par le Sénat. Cependant, il ne paraît plus possible de donner suite à mes instructions du 9 courant, relatives au rachat. Aucune action ne peut naturellement être intentée devant les tribunaux français ou avec le concours des autorités françaises, se rapportant sous une forme quelconque, pénale ou civile, à l’esclavage. Mais je vous prie en outre, dès aujourd’hui,