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Malheureusement, étant donné les décrets de décembre, le ministre ne pouvait que s’en rapporter à « l’autorité morale » du résident général pour amener le commandant des troupes à se prêter à l’exécution de ces premières mesures. Or, cette « autorité morale » était déjà fortement ébranlée par les dissidences locales et les polémiques de presse, le plus souvent injustes, qui s’étaient déroulées tant à Madagascar qu’en France même ; puis, il ne suffisait plus d’une « autorité morale » quelconque, il fallait une autorité effective et concentrée pour mettre fin au désarroi général.

Quelle autorité unique convenait-il de constituer ? Quel homme en devait-on investir ? À quel moment fallait-il opérer le changement ? Autant de problèmes délicats et mêlés, quoi qu’on en puisse croire, de maintes considérations étrangères au sujet. Subordonner M. Laroche au général Voyron, on n’y pouvait pas songer : ce dernier ne semblait pas avoir un sentiment très exact des nécessités politiques spéciales à Madagascar et des moyens propres à réprimer l’insurrection ; de plus, il atteignait le 10 septembre le terme de sa « corvée » coloniale, et avait manifesté son désir d’être remplacé à l’échéance réglementaire. L’inverse non plus n’était point possible : trop de froissemens, trop de querelles avaient marqué ses six premiers mois de règne pour que M. Laroche, s’il venait à rester seul maître du terrain, obtînt des militaires, non pas seulement la subordination, mais le concours actif et spontané qui était désirable. Le choix d’un homme nouveau s’imposait particulièrement pour les régions troublées et, précisément parce qu’elles étaient troublées, cet homme devait être un officier. Tout au plus, en conservant ses fonctions nominales, M. Laroche pouvait-il être utilisé à inspecter les provinces côtières, auxquelles les soucis absorbans de l’Émyrne ne lui avaient pas encore permis de prêter l’attention voulue.

Mais quel officier ? Il ne suffit pas d’être pourvu du même nombre de galons ou d’étoiles pour apporter une valeur égale dans l’accomplissement d’une même tâche. Cette tâche, d’ailleurs, n’était pas exclusivement militaire. Commandant en chef pour toute l’île, mais seul chef, aussi bien civil que militaire, dans le plateau central, le successeur du général Voyron devait avoir une capacité administrative et politique supérieure à ses talens professionnels : sa mission ne pouvait se borner à faire le désert pour établir la paix ; elle devait consister à se concilier les indigènes