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américaine ou anglaise, revenaient à Tamatave à 8 fr. 40 la pièce de 40 yards (36m, 40) ; l’application qui leur serait faite des droits français devait augmenter le prix de revient de la même pièce d’étoffe, suivant qu’il s’agirait du tarif général ou du minimum, de 2 fr. 95 ou de 2 fr. 30, du tiers par conséquent, sans que, — les intéressés le reconnaissaient eux-mêmes, — l’industrie française pût en retirer le moindre profit actuel, parce qu’elle ne fabriquait pas encore les marchandises usitées par les Malgaches.

Par bonheur, la loi douanière métropolitaine de 1892 laissait au ministre un délai d’un an pour rendre le tarif applicable aux colonies, en y introduisant, pour chacune d’elles, les modifications essentielles commandées par les circonstances locales. Il utilisa le délai, d’une part à organiser le service douanier dans l’île, au fur et à mesure des progrès de la pacification ; de l’autre, à s’entendre avec les industriels français, et sur le changement d’orientation à introduire dans leur fabrication, et sur les modifications à apporter aux tarifs. Les tissages de coton traversaient à cette époque une crise sérieuse ; il y avait un assez grand nombre de métiers inoccupés : aussi obtint-on sans trop de peine des fabricans qu’ils voulussent bien fournir désormais aux Malgaches, sinon au même prix, du moins dans des conditions identiques, voire supérieures, de qualité et de dimensions, les articles auxquels ils étaient accoutumés. Quant aux modifications du tarif, ce furent presque exclusivement des simplifications ; au lieu de maintenir les innombrables catégories de tissus prévues par la loi métropolitaine, et qui exigent de la part du service douanier un examen très long et très minutieux des produits importés, on fit pour Madagascar ce qu’on avait fait antérieurement pour l’Indo-Chine : on ramena toutes les catégories à sept types principaux, facilement reconnaissables, chacun d’entre eux étant frappé du droit moyen des diverses classes d’étoffes qu’il englobait.

Ce fut l’objet de la loi du 16 avril 1897 et du décret réglementaire du 28 juillet suivant, qui, sauf une erreur de calcul au détriment de l’une des classes de tissus, erreur qui fut rectifiée on mai 1898, subsistent à la satisfaction générale, et qui ont facilité la substitution des produits français aux importations étrangères sans que la consommation locale en ait souffert. Il n’avait pas fallu moins de onze mois d’études, de correspondances, de conférences et de négociations pour en arriver là[1].

  1. A la faveur de ce régime, l’importation des tissus français, qui, par rapport à l’importation totale, était de moins du quart en 1896, a dépassé les trois quarts en 1898, en montant de 1 800 000 francs à 6 250 000 francs. Celle des vins et alcools a presque triplé. Voici, au surplus, quelle a été la progression du commerce général de l’île dans ces dernières années : 1890, 9 millions ; 1893 12 millions ; 1896, 16 millions ; 1897, 23 millions ; 1898, 27 millions ; 1899, 36 millions. Dans ce dernier total, les importations sont de 28 millions, les exportations de 8 millions. Pour les importations, la part de la France est d’environ 90 p. 100 ; le chiffre d’affaires de l’Angleterre et des États-Unis a baissé des cinq sixièmes ; on peut dire qu’en fait, le marché malgache est désormais réservé aux produits français. De même pour la navigation : le mouvement commercial s’accomplit pour plus de 85 p. 100 sous pavillon français.