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intérieure de l’île. La reine est maintenue dans ses honneurs et avantages. La méthode administrative reste la même. Seulement, nous restons les seuls juges de toutes les mesures à prendre à l’avenir, dans la plénitude de nos droits. »

Ainsi s’exprimait, à la fin de mai, le nouveau ministre des Colonies dans un télégramme au résident général. Les difficultés d’ordre diplomatique auxquelles il faisait allusion étaient grandes. Deux puissances, l’Angleterre et les États-Unis, avaient, avant l’expédition de 1895, des traités réguliers avec Madagascar, l’Allemagne et l’Italie ne possédant que le régime de la nation la plus favorisée. Or, en accusant réception de l’acte faisant connaître la « prise de possession » de Madagascar par la France, et en répondant à des notes plus explicites où le cabinet de Paris avait signifié qu’il entendait notamment réserver un traitement de faveur aux produits français à leur entrée dans l’île, le Foreign-Office avait riposté qu’il ne connaissait pas le sens de la « prise de possession » et que, à ses yeux, l’annexion n’ayant pas été prononcée, les effets de son traité avec le gouvernement malgache subsistaient tout entiers. De son côté, dans une dépêche très nette, le cabinet de Washington avait réclamé des déclarations catégoriques de la part de la France.

De là, des embarras extrêmes pour l’action française à Madagascar. En avril, M. Guieysse avait dû rappeler à l’ordre un résident trop zélé qui, de son initiative privée, avait avisé les sujets étrangers, comme une conséquence évidente du nouveau régime, qu’ils étaient désormais justiciables de nos tribunaux ; le ministre recommandait à M. Laroche de n’engager « aucune opération pouvant susciter les réclamations des autorités anglaises, avant d’en avoir référé à Paris ; » en même temps, il avait invité son agent à faire de son mieux pour que le consul américain à Tamatave envoyât à ses chefs un rapport convenable, tant sur la question des juridictions que sur celle du futur régime douanier. En mai encore, faute de solution satisfaisante des négociations on cours, le Pavillon de Flore était obligé d’empêcher le procureur général de Madagascar de poursuivre aucun Anglais devant les tribunaux correctionnels.

Les conversations de chancellerie n’aboutissant pas, force était de sortir de peine par un coup d’autorité. Le 30 mai, le cabinet Méline déposa à la Chambre un projet de loi déclarant colonie française « Madagascar avec les îles qui en dépendent, » dans le