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Or, dans le temps même où M. Bourde naviguait vers Madagascar, des nouvelles parvenaient à Paris qui contrastaient singulièrement avec l’optimisme des premiers rapports. Le 22 novembre, en effet, dans une localité située à 40 kilomètres à l’ouest de Tananarive, une bande de « brigands, » — ainsi les qualifiait la dépêche officielle, — avait détruit les édifices religieux des protestans ainsi que ceux des catholiques et assassiné le missionnaire anglais, M. Johnson, avec sa femme et son enfant. Que l’idée du vol eût présidé à cette opération, cela ne semblait pas douteux. Mais, une fois l’entreprise engagée, des habitans de la région s’étaient joints aux « brigands, » et, en relatant ces faits, le représentant du ministère des Affaires étrangères à Tananarive ne dissimulait pas[1] que « les excitations dirigées contre nous durant la guerre par la presse anglo-malgache paraissaient avoir eu pour résultat de faire attribuer par la population à tous les étrangers indistinctement les noirs desseins qu’on nous prêtait. »

Des informations de police avaient fait connaître à l’avance que quelque chose d’insolite se préparait. Le premier ministre hova avait envoyé des délégués chargés de rétablir l’ordre, de se livrer à des enquêtes et de faire arrêter les individus compromis, or cette façon de procéder, qui laissait aux autorités locales le soin d’assurer la police du pays, correspondant au régime du protectorat. » Mais les délégués avaient trouvé les autorités locales sans moyens pour disperser les bandes en formation, puisque aussi bien la plupart de leurs armes leur avaient été retirées par mesure de précaution. Un détachement indigène, formé tout exprès pour la circonstance, fut surpris et mis en pièces par les « brigands : » ceux-ci disaient ouvertement « que, le gouvernement (hova) et la reine étant aux mains d’étrangers qui ne poursuivaient d’autre but que l’asservissement de la population, il fallait, à tout prix, empêcher une pareille situation de s’établir et pour cela massacrer tous les étrangers. » Le 24, une colonne envoyée par le général en chef, se heurta à 3 000 « rebelles, » leur tua pas mal de monde, mais fut étonnée de leur « audace incroyable. » Le 26, la colonne revint sur ses pas, après avoir brûlé quelques villages « dont les habitans avaient fait cause commune avec les révoltés. » « La rapidité et la vigueur de la répression, disait M. Ranchot, semblent

  1. Rapport du 30 novembre, transmis aux Colonies le 28 Janvier.