Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il n’a point écrit la Vie de César comme on l’a prétendu. Il suffit de lire sa prose pour constater qu’elle n’a rien de commun avec celle de Napoléon III, bien plus originale et ample. L’Empereur dictait à Mocquart ; Maury cherchait les détails de chronologie, de géographie et les textes anciens. Il remplissait aussi avec Mocquart le rôle de correcteur de la rédaction, et présentait des critiques grammaticales ou littéraires, que l’écrivain impérial accueillait avec une modestie charmante. Parfois il s’interrompait : « Je vous quitte, disait-il, il faut que j’aille faire de l’histoire moderne. »

Maury amena à l’Empereur un de ses amis, destiné à un rôle plus important, également ennemi jusque-là, et qui avait voté pour Cavaignac et contre le coup d’Etat, Victor Duruy. Fils d’un des meilleurs ouvriers de la manufacture des Gobelins, sorti le premier au concours de l’agrégation d’histoire, professeur à Henri IV, où il eut pour élèves le duc d’Aumale et le duc de Montpensier, puis au lycée Saint-Louis, Duruy avait publié des livres d’histoire très remarqués ; son cours grave, convaincu, réussissait. Il désirait avancer et devenir inspecteur d’académie, mais Rouland lui était peu favorable. Comme il entretenait Maury de ses déplaisirs universitaires, celui-ci lui dit : « Demandez donc une audience à l’Empereur, il vous recevra bien, car je lui ai entendu exprimer son estime pour votre Histoire des Romains. » Duruy suivit le conseil ; l’audience fut accordée. L’Empereur, la petite requête entendue, s’entretint avec lui de ce qui l’occupait : la constitution de Rome, les curies, les plébéiens, César, Auguste, l’Empire. Duruy s’expliqua avec liberté, et les deux interlocuteurs se séparèrent enchantés l’un de l’autre. L’Empereur le recommanda à Rouland qui, en attendant de le nommer inspecteur d’académie, le chargea d’écrire une brochure sur les Papes princes italiens. Ce mémoire plut fort à l’Empereur et non moins au public, à qui il fut donné sous une forme anonyme. Dès lors, les faveurs s’accumulèrent sur l’historien. Il fut nommé successivement maître de conférences à l’École normale et inspecteur de l’Académie de Paris, inspecteur général, professeur d’histoire à l’Ecole polytechnique.

Duruy ne fut pas le seul savant que Napoléon III encouragea. Il devint alors l’Empereur des érudits, donna une vive impulsion aux fouilles, aux recherches archéologiques, aux travaux scientifiques sous toutes les formes. Il témoigna un généreux intérêt à