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et n’arrivait pas à convaincre de sa force, à rétablir la sécurité, à rassurer Paris, à lui rendre un peu de vie.

Paris sans luxe, sans équipages, sans réceptions, se mourait d’inquiétude et de langueur. La vie sociale s’interrompait : affaires et plaisirs, tout était suspendu ; signe des temps, les journaux de modes avaient cessé de paraître. Plus d’Opéra ; on essayait de préparer sa réouverture pour les mois d’hiver. Les autres théâtres étaient pleins, mais jouaient devant un public mal vêtu. En vain les plaisirs d’été, qui ne furent jamais si abondans, si variés, si étincelans que sous le Directoire, s’offraient aux Parisiens. En vain Tivoli enguirlandait ses jardins de verres de couleur, tirait des feux d’artifices, multipliait les attractions, ascensions d’aérostats, ballets en plein air, « pantomimes pyrotechniques, » départ « d’une flotte aérienne ; » en vain Marbeuf, Biron, l’Elysée faisaient concurrence. La foule venait à ces spectacles par habitude, par désœuvrement, mais manquait d’entrain. D’ailleurs, la pluie tombait à chaque instant, éteignant les illuminations, noyant les préparatifs de fête, avachissant les décors, ajoutant sa tristesse à la mélancolie des circonstances. En ce pluvieux été de 1799, lourd d’orages, entrecoupé d’averses, quand les émotions de la rue et les agitations jacobines faisaient trêve, une grande stupeur morne pesait sur la ville.

Paris s’était déshabitué des bulletins de victoire. Pourtant, le premier jour de l’an VIII, le 1er vendémiaire-23 septembre, on apprit un beau fait d’armes : en Hollande, l’armée de Brune s’était heurtée aux Anglo-Russes, près de Bergen, et les avait vivement repoussés.

Ce n’était toutefois qu’un demi-succès, les deux partis s’étant remis sur leurs positions respectives, après l’affaire, et restant face à face. Chacun sent d’ailleurs que la grosse partie va s’engager en Suisse. Que fait donc Masséna, avec la nombreuse armée dont il dispose ? Que n’a-t-il hâte d’écraser Korsakof et Hotze, avant que Souvorof soit venu par le Gothard le tourner et l’étreindre. Bernadotte l’a en vain stimulé, aiguillonné ; les directeurs ont songé à le remplacer, puis ont ajourné cette mesure. Soudain, le 7 vendémiaire, une dépêche transmise par le télégraphe aérien annonce la reprise de Zurich et le gain d’une bataille, une grande bataille, cette fois, et une grande victoire : plusieurs milliers de Busses tués ou blessés, des drapeaux, beaucoup de canons enlevés, les battages de l’ennemi et ses magasins pris,