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yeux se tournent vers le Sud et les milliers de villas, les hôtels, rangés en demi-cercle autour de la Méditerranée, depuis la vieille église d’Elne jusqu’aux rochers rouges de Sestri di Levante, dans l’immense amphithéâtre comme des spectateurs dont les yeux convergent vers le même spectacle, regardent infatigablement la lutte du flot, du vent et du soleil : de la mer bleue qui flamboie à l’horizon et de l’air bleu qui flamboie au Zénith.

La maison moderne étant un nid, on la remet en pleine nature. Elle se blottit sous les feuilles, comme le nid sous les rameaux. Car on n’a plus à craindre la nature, ni les hommes, et l’on n’ambitionne plus de forcer l’immortalité par l’encombrement matériel qu’exprimait cette locution : « Avoir pignon sur rue. » Comme le nid, elle est traversée de branches plus dures que l’épine et comme le nid, elle est calfeutrée de tissus plus doux que la plume. Elle est chaude comme lui, et, comme lui, elle est modeste. Confiante en la nature, défiante de la ruse des hommes plutôt que de leur force, et asile d’un moment, posé sur une branche, c’est-à-dire sur un coin de terre, au lieu de s’étaler au milieu des immenses domaines du passé. Assurément ce n’est point là le type des maisons nouvelles, des maisons hautes des Etats-Unis, à vingt-quatre étages, espèces de ponts de fer, posées sur un bout et contenant une population aussi grande que celle de toute une sous-préfecture. Mais ces colonies de Boston ou de Chicago sont des maisons d’affaires : ce sont des offices, dans lesquels on n’habite pas ou que pour peu de temps. Ces maisons hautes ne sont pas nées d’un désir, mais d’une nécessité. Ceux même qui y habitent n’y vont vivre quelques heures par jour que pour chercher de l’argent, pour chercher les matériaux de la maison plus petite, plus individuelle, plus intime qu’ils rêvent de se bâtir autre part, — comme des oiseaux iraient au sommet d’un grand arbre chercher de quoi construire leur nid.

Aussi dirons-nous aux architectes, après avoir vu toutes leurs constructions magnifiques qui ne peuvent nous servir de rien : trouvez-nous la beauté de la maison moderne ! Ou si vous ne la trouvez pas, rendez-nous au moins, avec votre fer et votre ciment armé, la maison modeste des anciens jours. Rendez-nous la maison blanche avec des volets verts ; laissez à d’autres la maison prétentieuse des Anglais, lourde des Allemands, pompeuse des Renaissans. Rendez-nous le petit sentier qu’ont foulé des pas connus, où n’ont point passé, comme ici, des peuples, mais qui est le chemin