Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/10

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cinq-Cents le 9 messidor. Le 12, les journaux écrivent : « Toutes les affaires de banque et de commerce sont dans la plus grande davantage : on achète et on ramasse beaucoup de louis, ce qui annonce que chacun ramasse son argent ; » 2 thermidor : « Il ne se fait plus presque aucune affaire à la Bourse de Paris. Les louis de 24 francs s’achètent à 16 et 18 sous la pièce en sus de leur valeur réelle ; la moitié de ceux qui ont fait des lettres de change les laissent protester. » Depuis longtemps, le crédit public était nul ; les fonds d’Etat baissèrent encore, personne ne se présentant plus pour en acheter ; en thermidor et fructidor, le tiers consolidé tomba plusieurs fois au-dessous de 8 francs.

Comme il était à prévoir que l’impôt prendrait pour base les signes extérieurs de la richesse, chacun diminuait son train, réduisait sa dépense, resserrait sa vie ; il n’était question que de réformer « son cabriolet, sa voiture, une partie des domestiques mâles. » A mesure que le Conseil des Cinq-Cents discuta le mode d’assiette et de recouvrement, à mesure qu’on le vit incliner vers un système persécuteur et s’enfoncer dans la violence, l’affolement s’accrut ; beaucoup de négocians et d’étrangers prirent des passeports pour Hambourg, la Suisse ou l’Espagne. Parmi ceux qui restaient, c’était à qui se dirait et se prouverait pauvre : « On met aujourd’hui autant d’affectation à cacher sa fortune qu’on en mettait autrefois à l’étaler et même à l’exagérer. Il y a aussi des personnes qui font banqueroute pour prouver plus sûrement leur misère, » et ces faillites fictives entraînèrent beaucoup de ruines réelles. Le luxe qui alimentait l’industrie et le commerce, qui nourrissait des milliers de familles, s’anéantit, et l’on apercevait en perspective « une immense quantité d’ouvriers sans travail, au commencement de l’hiver. »

De leur côté, les propriétaires de biens-fonds tombaient dans lu marasme : ils se sentaient menacés par la taxe ; de plus, comme il était certain que leurs terres ou leurs maisons ne trouveraient plus que très difficilement acquéreur, la valeur vénale de ces biens diminua sensiblement : le sol entier de la république éprouva une moins-value. On calculait déjà que les 100 millions exigés des riches appauvriraient de 500 millions l’ensemble de la France.

Le législateur resta sourd à cet avertissement des faits ; rien