Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/958

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venons d’indiquer a été télégraphié en Amérique, on y a cru d’abord qu’un zéro avait été oublié à la fin. Pendant plusieurs jours, la presse américaine et la presse anglaise ont maudit les juges de Berne avec une violence qui a dépassé toute mesure. En Amérique, l’irritation venait sans doute de la déconvenue éprouvée ; on avait cru sincèrement l’affaire meilleure. Mais, en Angleterre, il semble bien que l’intérêt des concessionnaires du chemin de fer Mac-Murdo n’a pas été la seule cause de cet accès de méchante humeur. Quoique sa situation financière ne soit pas des plus aisées, le Portugal a fait savoir tout de suite qu’il était en mesure de payer la somme due par lui, sans recourir à l’emprunt. Et, dans le cas contraire, il aurait probablement trouvé sur le marché européen une somme inférieure à 25 millions, sans avoir besoin d’engager ses territoires de Mozambique, ou même les droits de douane qui y sont perçus. En conséquence, l’hypothèse prévue par la convention anglo-allemande de 1898 n’était pas, encore cette fois, réalisée.

On en était là, lorsqu’un autre bruit s’est répandu subitement dans le monde politique, à savoir que l’Angleterre venait de s’entendre avec le Portugal pour le passage de ses troupes sur le chemin de fer qui va de Beïra à Umtalis, à la frontière septentrionale du Transvaal : nouvelle combinaison en vue d’atteindre plus rapidement au résultat poursuivi. Il en est résulté une émotion très vive sur tout le continent européen, émotion qui s’est manifestée particulièrement en Russie et en Allemagne. En France, un député a demandé à M. le ministre des Affaires étrangères de répondre à une question qu’il se proposait de lui poser à ce sujet ; M. Delcassé s’y est refusé, après que le Conseil des ministres en a eu délibéré. Il s’est contenté de dire à la Chambre que la France avait promis sa neutralité, mais qu’elle ne pouvait pas garantir celle des autres. Rien n’est plus certain ; seulement le Transvaal, déjà si abandonné, l’est encore un peu plus. Nous avons toujours douté d’une intervention des puissances, même sous la forme la plus amicale, entre l’Angleterre et le Transvaal, et nous y croyons aujourd’hui moins que jamais. Il fut un temps, peut-être, où l’Allemagne aurait été tentée de prendre une initiative dans ce sens ; mais, depuis, elle en est bien revenue ! L’empereur Guillaume, lorsqu’il a conclu avec l’Angleterre l’arrangement de 1898, s’est à peu près lié les mains vis-à-vis d’elle. On n’a pas oublié la visite récente qu’il a faite à sa grand’mère, la reine Victoria, visite toute familiale, a-t-on dit, mais à laquelle la présence de M. le comte de Bulow et ses conversations avec lord Salisbury et M. Chamberlain ont pourtant donné une physionomie