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s’écouler les premiers jours de notre Exposition. Il est aujourd’hui encore un peu trop tôt pour en parler. Les portes s’en ouvrent à peine, mais nous n’en avons pas encore franchi le seuil. Nous n’avons vu jusqu’ici que Paris défoncé, coupé de fondrières, livré à la pioche et à la pelle, et vraiment mis à mal. Rien n’est plus affreux que la chrysalide d’une Exposition. Mais c’est quand tous ces préparatifs seront terminés, les échafaudages enlevés, les outils de travail remisés, quand les décombres auront été balayés et que la poussière du plâtre sera tombée, qu’on pourra juger, sur le ciel bleu où elles se détachent, les lignes élégantes et fines, aussi bien que les couleurs bariolées de l’œuvre accomplie. Sans doute il y aura des détails manques. Quelques-uns, jusque sur la place de la Concorde, semblent jeter un défi au bon goût dans le pays qui semblait être le sien. En revanche, lorsque le regard s’étend le long de la Seine et qu’il rencontre ces milliers de dômes, de coupoles, de minarets, de clochetons et de flèches, malgré tout ce qu’il y a de heurté dans cette accumulation d’architectures diverses, l’œil est ébloui et l’esprit fasciné. On veut voir ce qu’il y a derrière ce décor, évocation étincelante d’un rêve féerique. Il y a les produits de l’industrie et de l’art de tout l’univers civilisé. C’est un spectacle qui en vaut la peine, et qui nous occupera suffisamment pendant quelques semaines.


Mais l’Exposition de Paris ne saurait nous détourner de ce qui se passe dans le reste du monde, où les événemens continuent leur cours logique et quelquefois tragique. Après la levée du siège de Kimberley et l’occupation de Blœmfontein par les forces britanniques, tout le monde a répété que la guerre sud-africaine allait changer d’allure. Et cela n’est jusqu’ici qu’à moitié vrai. L’armée anglaise a sans doute trouvé des généraux habiles, expérimentés, résolus. L’explosion de joie qui a eu lieu en Angleterre après les premiers succès a permis, par son intensité même, de mesurer celle des angoisses qui commençaient enfin à se dissiper. Toutefois, pendant qu’on s’abandonnait à Londres à des espérances un peu hâtives, nous avons mis nos lecteurs en garde contre la part d’illusions qu’il y avait dans cet optimisme. Il s’en fallait de beaucoup que les principales difficultés fussent vaincues. Lord Roberts et lord Kitchener n’avaient accompli que la première partie de leur tâche, et peut-être la plus facile, celle qui consistait à réparer les fautes vraiment grossières que leurs prédécesseurs avaient commises. Cela ne changeait ni la nature du terrain, ni le caractère de l’ennemi, et il était à prévoir que, dès le lendemain de