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boivent, prouvent également l’étonnante sensibilité du maître et son habileté à nous communiquer cette sensibilité dans les milieux les plus différens.

C’est de lueurs plus apaisées, plus délicates et subtiles encore que se sert le doux Van der Meer, de Delft (1632-1675), pour nous faire aimer, en leurs occupations paisibles, ses petites dames, grassouillettes et blondes, dont les chairs blanches s’enveloppent d’étoffes claires. Tout n’est pas dit encore, sur cet artiste extraordinaire, mort si jeune, très célèbre en son temps, tout à fait oublié durant deux siècles, et dont l’œuvre authentique nous montre à la fois des chefs-d’œuvre de précision éclatante, de colorations hardies et fortes, presque brutales, comme la Vue de Delft (musée de la Haye), la Laitière et la Maison hollandaise (collection Six à Amsterdam) et des chefs-d’œuvre de modelés à fleur de toile, légers, presque imperceptibles, de nuances presque éteintes, voluptueusement diaphanes et alanguies, comme la Liseuse d’Amsterdam, la Dame à la voilette de Berlin, comme notre Dentellière du Louvre. Est-elle assez attentive à son travail, la douce et honnête personne, sous le rayon tendre et pâle qui la caresse et qui réjouit de notes claires et brillantes, les cuivres, les livres, les bobines, les épingles, le métier, tous les associés de sa tranquillité et de son recueillement ! La courte activité de Van der Meer de Delft fut peut-être plus étendue qu’on ne l’a cru d’abord. On a quelque tendance à lui restituer aujourd’hui certaines peintures, plus académiques, attribuées naguère à quelque incertain Van der Meer d’Utrecht ou de Harlem ; peut-être n’a-t-on point tort ; mais il faut attendre les preuves.

Autour de ces maîtres vraiment originaux et typiques fourmille une multitude presque innombrable de petits maîtres. Parmi eux, il n’en est guère qui n’ait eu ses bonnes heures, fait à son tour d’heureuses trouvailles et qui ne nous intéresse toujours par sa franchise autant que par son savoir-faire. Nous ne les connaissons pas tous au Louvre, tant s’en faut ! Néanmoins, il en est un certain nombre qui s’y présentent bien. Parmi les italianisans, voici Pieter van Laar (Bamboccio) (m. en 1674) avec ses scènes champêtres, Karl Dujardin (1622-1678) avec une suite nombreuse de paysages et d’épisodes italiens qui témoignent encore aujourd’hui de son immense réputation en son temps ; Jean-Baptiste Weenix (1621-1660), Lingelbach (1625-1674) ; les deux Netscher, père et fils, d’origine allemande, comme Lingelbach, Gaspar