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dans l’admiration des collectionneurs, les trois Van Mieris, Frans le Vieux (1635-1681), Willem (1662-1747), son petit-fils Frans le Jeune (1689-1763), s’attachèrent plus, malheureusement, à exagérer les sécheresses du dernier, qu’à s’inspirer de la bonhomie du premier ; leurs tableautins galans, fignolés et lustrés avec un soin extrême, obtinrent un succès énorme au XVIIIe siècle. On y peut suivre, dans la famille, la décadence ininterrompue du sentiment pittoresque au profit de l’esprit littéraire et de l’ingéniosité anecdotique.

On peut rattacher à l’école de Harlem Gérard Ter Borch (1617-1681). S’il n’est point né à Harlem, il y travaillait, dès l’âge de seize ans, dans l’atelier de Pie ter Molyn, l’un des novateurs. Des voyages à Londres, en Italie, en Espagne, lui donnèrent une culture étendue. C’est un des peintres de conversations qui se trouvent le mieux à l’aise dans la bonne société bourgeoise et même dans la société aristocratique et dans le monde diplomatique. Ses portraits en pied, de petites dimensions, ont une allure particulièrement distinguée. Quel que soit le sujet traité, même le plus scabreux, il y apporte, dans le choix des types et les manières des acteurs, une aisance parfaite de bonne compagnie, comme il y excelle aux raffinemens les plus délicats des colorations douces dans la fraîcheur des visages, la légèreté des chevelures, la blancheur des carnations, la souplesse des tentures, le lustre des soieries. C’est, de plus, un observateur avisé, un physionomiste précis et aigu, avec un charme particulier de bienveillance et de tendresse dans ses analyses. Le Louvre le montre dans tout son honneur avec trois morceaux excellens, le Militaire offrant des pièces d’or à une jeune femme, la Leçon de musique et le Concert.

Autant que Steen, Metzu, Ter Borch, avec des originalités de peintres plus savoureuses encore, Albert Cuyp, Pieter de Hooch, Van der Meer, nous introduisent dans les intimités de la société hollandaise. Albert Cuyp (1620-1681) est de Dordrecht ; c’est un compatriote de Ferdinand Bol (1616-1681), dont nous avons trois bons portraits et de Nicolas Maes (1632-1695) l’auteur du Benedicite (Collection Lacaze). Fils d’un bon peintre, il ne quitta pas, comme eux, sa ville natale pour aller étudier chez Rembrandt ; il n’en resta que plus personnel, libre, curieux, chercheur, poussant, dans une école toujours lumineuse, la passion de la lumière à ses extrêmes limites. Cuyp s’est exercé dans tous les genres ; il est