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c’est souvent un Mathurin Régnier, c’est parfois aussi un Molière. L’un des trois tableaux du Louvre, le meilleur, la Mauvaise compagnie, eût réjoui Mathurin. On ne saurait être plus artiste par la grâce des colorations, la souplesse du dessin, la vérité des types, que dans cette scène de mauvais gîte. Le jeune dadais, aviné et somnolent, qui s’affaisse, la tête tombée sur les genoux d’une trop aimable donzelle, l’avenante soubrette qui l’allège de sa montre pour la confier à la vieille Macette au nez pointu, embéguinée de noir, si fréquemment employée par le peintre, les mines réjouies et goguenardes du violoniste acharné et du vieux fumeur abruti, associés et complices de ces dames, sont tous des morceaux exquis, admirablement reliés par la brillante enveloppe de la peinture. L’originalité de Steen, comme peintre de fêtes bruyantes et de joyeux convives, n’est pas moins visible dans ses deux grandes toiles, Fête dans une auberge et Repas de famille. Dans la première, si mouvementée, si bien distribuée, la vivacité amusante des épisodes de beuveries et galanteries qui y sont accumulées y est aussi surprenante que leur variété ; la peinture, toutefois, qui a souffert, est terne et assez triste, l’exécution, relativement, un peu molle. Il y a plus d’entrain, de gaieté grasse et plébéienne, franche et communicative, dans les figures, un peu plus grandes, plus allègrement brossées, du Repas de famille (Coll. Lacaze).

Metzu est l’ami de Jan Steen, mais il travaille pour une clientèle plus distinguée. Il lui arrive même parfois de traiter des sujets religieux et historiques, par exemple, la Femme adultère ; cela ne lui réussit pas plus qu’à son compère, dont les escapades en ce genre sont célèbres et grotesques. Quand Metzu s’en tient à ce qu’il sait faire, sujets familiers et scènes d’intérieur, il est charmant, parfois exquis. Dans le Marché aux herbes, sous le feuillage frissonnant des grands arbres, près du canal bordé par les maisons de briques à minces colombages, presque percées à jour par la multitude des fenêtres et baies, c’est la vie d’Amsterdam en plein air : disputes entre marchandes, galanteries d’oisifs avec les ménagères, flâneurs et mendians, pêle-mêle d’animaux, de végétaux, d’ustensiles. Dans le Militaire et la Jeune Dame, dans la Leçon de Musique, le Chimiste, la Cuisinière, c’est la vie intime, mondaine, galante, bourgeoise ; partout, la même saveur de touche, franche et colorée, dans une harmonie calme et chaleureuse. Les imitateurs de Metzu et de Gérard Dow, à Delft, qui leur succédèrent