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plus de sucre que nous n’en fabriquons, et trois fois plus que nous n’en consommons ; mais nos budgets offrent si peu d’élasticité qu’un ministre des finances hésiterait à proposer un abaissement quelconque de droits, de nature à diminuer temporairement ses recettes, alors même que, selon toute probabilité, un allégement de l’impôt dût avoir pour effet de stimuler la production et de compenser ainsi à la longue, pour le Trésor, le déficit provisoire résultant de la détaxe.

En restant dans le statu quo, nous avons à envisager toutes les difficultés qui résultent de l’état du marché international, de ce qu’on appelle aujourd’hui le marché « mondial » du sucre. Le problème se résoudra sans doute, comme d’autres embarras économiques, par une adaptation graduelle des ressources aux besoins ; et, comme ceux-ci vont sans cesse grandissant, grâce à l’augmentation de population dans l’univers et aux exigences croissantes d’hommes plus civilisés et plus riches, ils absorberont la production, quelque développement d’ailleurs qu’atteigne celle-ci. Mais, avant d’arriver à cet état d’équilibre, nous aurons à subir des crises et à traverser des difficultés d’autant plus douloureuses que plus de moyens artificiels auront été employés à maintenir une situation anormale. Le libre-échange est le but vers lequel se meut l’humanité ; il est déjà établi à l’intérieur de chaque grand pays. Les traités de commerce sont un acheminement vers la solution ; les unions douanières, qui existent entre un certain nombre de nations groupées à cet effet, en constituent un autre. Si une législation sucrière internationale, telle que la recherchent les conférences convoquées à l’effet de la formuler, peut être établie, elle marquera une nouvelle étape dans cette voie : les efforts répétés tentés en ce sens indiquent que les gouvernemens ont conscience du caractère universel que les questions économiques revêtent de plus en plus et qui ne fera que s’accentuer au cours du XXe siècle.


RAPHAËL-GEORGES LÉVY.