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II

Telles sont donc les qualités, universellement reconnues au talent de Hauptmann, et capables d’expliquer jusqu’à un certain point sa prodigieuse fortune : fine peinture des détails caractéristiques, impression du milieu traduite et imposée d’une façon frappante à l’imagination des spectateurs, éternel Instantané, et, en un mot, pour résumer cet ensemble de mérites par le terme consacré en Allemagne, réalisme ou naturalisme conséquent.

Toutefois, ces qualités sont absentes des premiers écrits du dramaturge, car le Promethidenloos, par exemple, est une pâle copie de Childe Harold. Elles apparaissent subitement, fort développées déjà, sinon tout à fait mûries, dans son premier drame, Avant le lever du soleil, dont elles assurent le succès, malgré les côtés répugnans du sujet choisi. Quelle fut donc la cause de cette transformation instantanée et radicale dans les procédés techniques du jeune écrivain ? Ecoutons sur ce point le Dangeau du Roi-Soleil de la scène allemande, M. Schlenther, peu suspect de diminuer les mérites de son héros.

« En 1889, à Niederschoenhausen, près de Berlin, Hauptmann fit la connaissance d’un jeune homme de son âge, le poète Arno Holz. Celui-ci, dans son petit « taudis, » qu’il a décrit de si touchante et pittoresque manière, lut en présence de son nouvel ami une série de courtes esquisses, qu’il venait de terminer, en collaboration avec son camarade et compagnon de chambre, Johannes Schlaf, de Magdebourg. Le plus important de ces essais se nommait Papa Hamlet, et faisait pénétrer le lecteur dans l’intérieur misérable d’un comédien dont, avec la recherche consciencieuse des plus minces détails, les auteurs peignaient la pauvreté, le désordre et la malpropreté répugnante. Plus encore que ces lectures, agirent sans doute sur Hauptmann les discours d’un enthousiasme communicatif dans lesquels Holz développait les théories artistiques qu’il avait tenté de traduire en œuvres. Jeune, énergique, respirant la santé et la faisant rayonner autour de lui par son seul aspect, ce fils d’un pharmacien de Rastenburg, de bonne heure abandonné à ses propres ressources, et devenu calculateur avisé, ce Prussien de l’Est, entêté en des conclusions logiquement déduites, avait déjà fait preuve d’un beau talent lyrique, en tournant le dos à des modèles vieillis et ressassés jusqu’à la