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la constante recherche de l’effet, une réaction se produisit soudain, et on enveloppa dans une condamnation générale jusqu’aux premières œuvres de Sudermann. Il parut évident que l’écrivain de l’Honneur n’était pas le produit sans mélange de la renaissance littéraire allemande, mais qu’il en avait seulement utilisé habilement certaines tendances afin de rajeunir ce théâtre à la française, que Lindau et Blumenthal avaient mis à la mode. Depuis lors, sa réputation décrut sans cesse ; on le considéra bientôt comme un faiseur et comme un routinier. Hauptmann occupa de plus en plus le devant de la scène. »

Hauptmann est donc considéré aujourd’hui comme le représentant attitré de l’école du naturalisme conséquent. M. Bartels voit, dans ses trois premiers drames, une période de tâtonnemens où le réalisme de l’auteur demeure encore sous l’influence directe des naturalistes français, d’une part, et d’Ibsen, de l’autre ; car ce sont là ses premiers initiateurs. Les trois pièces suivantes, les Tisserands, le Collègue Crampton, et la Fourrure de Castor, marquent l’apogée du naturalisme conséquent d’outre-Rhin. C’est l’époque où cette tendance littéraire a pris une tournure spécialement germanique, une nuance intime et populaire que l’on peut considérer comme un progrès décisif sur la forme brutale revêtue par les premières imitations des modèles étrangers. Puis, à dater d’Hannele, le symbolisme, qui n’est qu’un retour offensif du vieux romantisme et de ses plus douteux élémens, le symbolisme maladif d’un Maeterlinck vient modifier le naturalisme conséquent, pour s’épanouir enfin sans mélange dans la Cloche engloutie. Cette pièce indique certainement un recul, au point de vue de l’originalité, dans le talent de son auteur.

En résumé, le naturalisme conséquent n’a fleuri en Allemagne que de 1889 au début de l’année 1893 : mais, il y a produit, sous la plume de Hauptmann, trois œuvres originales et remarquables, dont l’une, les Tisserands, a sa place dès à présent marquée dans la littérature universelle, s’il faut en croire les critiques qui conservent le mieux leur sang-froid au delà du Rhin. Et, par cette heureuse transfusion du naturalisme dans les veines d’un genre littéraire jusque-là réfractaire à cette opération, l’Allemagne croit avoir apporté au drame le rajeunissement qu’elle reproche à la France de n’avoir su donner qu’au roman, peut-être parce que M. Sardou, qui n’a rien de naturaliste en effet, a longtemps représenté à lui seul chez nos voisins toute la production dramatique française.