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l’œuvre de Hauptmann le terme et le point culminant de sa longue enquête sur le Devenir du drame moderne.

Rappelons seulement les dates principales de cette brillante carrière, que nous ne pouvons ici retracer en détail, et dont les Parisiens connaissent quelques étapes, car les Tisserands et Hannele ont été représentés par M. Antoine, Ames solitaires et la Cloche engloutie par M. Lugné-Poé sur le Théâtre de l’Œuvre. — Après plusieurs essais sans valeur, Gerhart Hauptmann débuta sur la scène, à la fin de 1889, par un drame intitulé Avant le lever du soleil, qui fut représenté à Berlin, non sans un violent scandale, dû à la hardiesse de certaines peintures, mais qui retint dès lors l’attention sur son auteur. La Fête de la paix et Ames solitaires, deux pièces dans la manière d’Ibsen, affermirent cette réputation naissante. Puis vint son triomphe et son chef-d’œuvre, les Tisserands (1892), tableau d’un réalisme poignant, qui fait passer sous les yeux des spectateurs les épisodes d’une grève sanglante des artisans de la Silésie. Ensuite, deux comédies, Le Collègue Crampton et la Fourrure de castor, dont la seconde parut mieux venue, plus franche que la première. En 1893, fut représentée l’Assomption d’Hannele Mattern ; en 1896, Florian Geyer, drame historique, tiré d’un épisode des guerres civiles de la Réforme, et qui ne put se maintenir longtemps sur la scène. La même année 1896 vit donner la Cloche engloutie, beaucoup moins originale que les pièces précédentes, mais qui, par ce fait même, plut davantage au grand public. Enfin le Charretier Henschell est venu clore, en 1898, la liste actuelle des œuvres dramatiques de Hauptmann ; mais les journaux assurent qu’il tient en ce moment cinq pièces à la fois sur le chantier[1]. Tous les ouvrages critiques que nous voulons passer en revue arrêtent d’ailleurs leur examen après la Cloche engloutie.

Il convient de parler en premier lieu de l’historiographe officiel de Hauptmann, M. Schlenther, critique dramatique in- fluent, aujourd’hui directeur du théâtre de la Hofburg à Vienne,

  1. M. Hauptmann vient de faire représenter à Berlin une fantaisie dramatique, Schluck et Jau, qui a été accueillie assez froidement, bien que ses amis y trouvent encore la marque de son talent poétique ordinaire. Il a repris le vieux thème oriental et shakspearien du pauvre diable ramassé ivre dans la rue par un gentilhomme en belle humeur. Traité en prince pendant quelques heures, puis endormi de nouveau, il est reporté dans le ruisseau, en sorte qu’il s’imagine avoir goûté en rêve les courtes délices dont sa mémoire lui présente si vivement l’image.