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l’attention extrême qu’il donnoit à son éducation plus encore qu’il n’avoit fait pour la duchesse de Bourgogne, parce que, a-t-il ajouté, les pères cessans d’être jeunes s’appliquent davantage aux soins de leur famille[1]. »

Il était cependant une considération qui devait agir sur l’esprit de Victor-Amédée et le rendre plus favorable au mariage qu’il ne lui convenait de le paraître en réalité. C’était la question de la dot. Victor-Amédée était pauvre. Il lui était toujours plus agréable de recevoir de l’argent que d’en débourser. Lorsqu’il s’était agi d’établir la princesse Adélaïde, il avait fait valoir, non sans raison, que 100 000 écus lui restaient dus sur la dot de sa femme. Ces 100 000 écus avaient donc été, jusqu’à concurrence, compensés avec les 200 000 écus que lui-même constituait en dot à sa fille, et quant au surplus, il se l’était fait remettre par Louis XIV « pour de dignes considérations, » disait un acte à part. Pour la dot de la princesse Marie-Louise, Victor-Amédée pensa qu’il pourrait user d’un expédient semblable en faisant de nouveau valoir les sommes qui étaient dues à la Savoie par l’Espagne pour la dot de l’infante Catherine. « J’avois souvent ouï dire et lu, disait-il, que dans les mariages qui s’étoient faits entre maisons souveraines on entroit en compensation pour les dots qui se promettoient toujours de part et d’autre et se donnoient rarement. » Il demandait donc sur ce point un engagement de la part du roi d’Espagne. Phelypeaux ne laissait pas ignorer au Roi l’importance que Victor-Amédée attachait à cet engagement. « M. le duc de Savoye sera sans doute fort aise de ce mariage ; mais le payement de ces sommes le touche infiniment. Il n’est véritablement sensible qu’à ce qu’il appelle ses intérêts, c’est-à-dire les siens propres, c’est-à-dire de l’argent, commandement d’armée, agrandissement de pays, fort peu touché d’ailleurs des intérêts de sa maison[2]. »

Cependant Louis XIV insistait pour le mariage. Le Conseil d’Espagne, que Louis XIV gouvernait presque aussi absolument que le sien propre, y donnait son consentement ; le roi d’Espagne, de plus ou moins bon cœur, y consentait, car il voulait absolument une femme, et, le 2 mai, Victor-Amédée recevait enfin un courrier par lequel le roi d’Espagne demandait formellement la main de la princesse de Piémont.

Victor-Amédée laissait éclater devant Phelypeaux la joie que

  1. Aff. étrang., Corresp. Turin, vol. 107. Phelypeaux au Roi, 16 janvier 1701.
  2. Ibid., Phelypeaux au Roi, 5 février 1701.