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protestans de ces îles, ont gardé du long séjour des révérends anglais, une sorte de patois britannique et la notion de la supériorité de l’Angleterre sur tous les peuples. Le séjour de la Grande-Terre leur avait été jusqu’ici sévèrement interdit : on exige bien de ceux à qui l’on permet aujourd’hui de s’y établir qu’ils connaissent le français, mais comment les empêchera-t-on de baragouiner leur patois ? Déjà ils ont groupé autour d’eux, avec le bienveillant appui de l’administration, quelques indigènes, et l’on peut entendre dire à leurs disciples que l’Angleterre est supérieure à la France, parce qu’elle est protestante. Les journaux dévoués à l’administration célèbrent l’introduction des teachers comme une victoire de la « liberté de conscience » et ils attestent les principes de 1789 ! Semer la guerre et la division là où régnait la paix et l’unité, est-ce donc en cela que consiste la liberté de conscience ? Introduire dans une île française des élémens fatalement hostiles à l’influence française, est-ce là une œuvre patriotique ?

Quand les passions politiques sont déchaînées, nulle force n’en saurait contenir les dangereux excès ; elles dénaturent même les actes les plus innocens et conduisent aux pires injustices. C’est ainsi, par exemple, qu’on vit le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie accuser officiellement<ref> Discours du 3 novembre 1897. </<ref> les missionnaires d’avoir incité à reprendre la mer deux colons à peine débarqués : il fut prouvé que les deux colons, pendant leur court séjour dans l’île, n’avaient eu aucun rapport avec la mission. Une mesure récente prive de bourses dans les établissemens secondaires de l’Etat les anciens élèves des écoles libres, c’est-à-dire la majorité des enfans. Comment, après cela, s’étonner de certaines critiques malveillantes ; comment empêcher les journaux peu favorables à l’administration de faire remarquer les attaches protestantes de M. Feillet, de souligner la qualité de protestans d’un instituteur et de sa femme qui viennent d’être mis à la tête d’une école d’instituteurs indigènes, ou encore de noter le nombre des protestans qui sont fonctionnaires de l’instruction publique en Calédonie ? Comment répondre, lorsque les mêmes journaux se demandent si les querelles qui divisent la colonie ne seraient pas un effet de cette politique protestante et maçonnique dont personne n’ignore plus le rôle prépondérant dans l’histoire du Culturkampf français ? Il ne nous