Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/800

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la demande ; les cours tombèrent brusquement à rien, et, comme il n’était pas possible de trouver un débouché extérieur, ce fut un désastre que la création de l’usine de conserves de viande de MM. Prevet ne parvint que trop tard à conjurer. Aujourd’hui l’élevage donne de nouveau des résultats encourageans ; mais à l’élevage « extensif, » qui aboutissait à la destruction des cultures et des pâturages eux-mêmes par le bétail en liberté et qui avait été l’une des causes de la révolte de 1878, on s’efforce de faire succéder l’élevage « intensif » et l’on s’occupe davantage de tirer parti du laitage. Le gouverneur constate, dans son dernier discours, que les troupeaux de moutons augmentent lentement : il serait à souhaiter, en effet, que la Nouvelle-Calédonie pût fournir elle-même les gigots et les côtelettes qu’elle consomme ; mais il faut, d’autre part, éviter soigneusement toute surproduction, car notre île, voisine de l’Australie, ne saurait vendre au dehors un seul mouton.

Comment des colons venus de France, peu habitués pour la plupart à l’agriculture, ne possédant que le capital de 5 000 francs exigé au départ, ont-ils pu réussir au milieu de tant d’obstacles ? On est porté à se le demander et l’optimisme même des discours officiels est fait pour inquiéter. Dans son allocution du 3 novembre 1897, le gouverneur disait : « Ces familles, venues de France à mon appel, m’ont toutes remercié du conseil que je leur avais donné, » et, dans celle du 6 novembre dernier, il comptait, depuis le mois d’avril 1895, « 544 établissemens agricoles nouveaux, se décomposant ainsi :

« 148 créés par des jeunes gens du pays ;

« 396 par des familles d’émigrans, de fonctionnaires retraités et de militaires congédiés dans la colonie ;

« 39 familles sont reparties. »

Quelle est, sur ce chiffre de 396, la part des immigrans et celle des fonctionnaires retraités et des militaires congédiés ? Il serait intéressant de le savoir et l’on se demande pourquoi trois catégories aussi différentes de colons ont été confondues sous un même chiffre. Le gouverneur reconnaît qu’il y a eu « des insuccès dus à la malchance, à la paresse ou à l’imprévoyance[1]. » Mais, ce qu’il serait très intéressant de connaître, ce serait combien de colons arrivés avec 5 000 francs se tirent aujourd’hui d’affaire par le seul revenu de leurs concessions, combien ont été obligés de

  1. Discours prononcé à l’inauguration de l’Exposition locale de 1899.