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fertiles[1]. En outre, une grande partie des bonnes terres était occupée soit par l’administration pénitentiaire, soit par les Canaques qui y font pousser les ignames et les taros dont ils se nourrissent. Enfin l’État réclamait, à l’exclusion de la colonie, la possession de toutes les terres libres. Il fallait cependant donner des concessions aux colons qui arrivaient. Une transaction, que d’aucuns jugèrent prématurée et onéreuse pour la colonie, mit fin au procès pendant avec la métropole et donna au gouverneur le droit de disposer des terres vacantes ; de plus, une portion des champs des indigènes leur fut enlevée par l’opération dite du « cantonnement, » sur laquelle nous aurons à revenir.

On eut donc des terres ; mais quelles cultures convenait-il d’y propager ? La plupart des fruits et des légumes d’Europe, spécialement le haricot, réussissent en Calédonie ; les céréales comme le maïs et même le blé, les tubercules comme les pommes de terre, les ignames et les taros donnent de bons rendemens et trouvent un débouché rémunérateur, tant que la production est inférieure à la demande locale ; mais la France, d’ailleurs bien lointaine, n’a pas besoin de ces denrées ; l’Australie et la Nouvelle-Zélande les produisent en abondance ; aussi, dès que la récolte dépasse la consommation du colon et les besoins très restreints du marché de Nouméa, les cours tombent-ils à des prix dérisoires ; les denrées s’amoncellent et se perdent. L’administration pénitentiaire à Bourail, la mission des Pères maristes à Païta ont tenté l’industrie du sucre : l’invasion des sauterelles a détruit les plantations ; le sucre, le rhum ne sauraient d’ailleurs guère avoir qu’un débouché local ; sur les marchés d’Europe, ils seront toujours vaincus par la concurrence de pays moins lointains et qui produisent en grand la canne ou la betterave.

Le gouverneur, dans son dernier discours, se félicite des progrès de la culture de l’indigo : mais, croyons-nous, un seul colon plante de l’indigo, et c’est fort heureux, car l’indigo ne peut plus lutter contre les couleurs à l’alizarine ; d’autres colonies françaises le produiraient d’ailleurs, s’il en était besoin, dans de bien

  1. M. Augustin Bernard donne les chiffres suivans :
    Hectares.
    Pâturages 400 000
    Terres médiocres 100 000
    Bonnes terres (terres à caféiers, mûriers, vignes, etc.) 250 000
    Très bonnes terres (alluvions) 45 000
    Forêts 120 000
    Parties improductives 1 000 000