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organisé font rage, des soulèvemens, des troubles locaux se multiplient, l’insécurité des routes s’accroît, le banditisme prenant le masque de la politique et la politique employant les moyens du brigandage. Pourtant la masse rurale reste en général inerte, moins dégoûtée de la Révolution que des révolutionnaires, mais affectée de mortelle langueur et incapable de réagir contre l’effort des factions.

Dans les grandes villes, le royalisme essayait de tourner à son profit le mouvement de la jeunesse anti-jacobine. Il tentait aussi la fidélité des troupes, répandait des appels à la désertion, à la rébellion ; on dut porter une loi prononçant peine de mort contre quiconque essaierait de détourner les soldats de l’obéissance à leurs supérieurs. Lyon regorgeait d’émigrés en rupture de ban, de prêtres réfractaires, d’agens contre-révolutionnaires ; une notable partie de la population leur donnait asile, les cachait, les dérobait aux poursuites et favorisait leurs menées. Pour empêcher que la réouverture du club ne provoquât une explosion très dangereuse, il fallut la poigne d’un général à antécédens terroristes, Dauvergne, qui prit des mesures terribles. A Marseille, déchue de son antique splendeur, morte à toute activité féconde, il semblait ne plus y avoir de vivant que les haines. On se haïssait de maison à maison, de porte à porte ; les républicains étaient ardens et bruyans, mais divisés ; leurs adversaires dominaient dans les quartiers aisés et ravageaient la banlieue : « Le fanatisme, — lisez l’esprit religieux, — a repris tout son empire, un certain nombre de prêtres attirent la foule dans les églises et attaquent victorieusement les institutions républicaines qui, en partie, sont méconnues et foulées aux pieds. Les spectacles sont des arsenaux d’incivisme et de discorde. Le titre de citoyen est exilé de toutes les bouches. L’organisation de la garde nationale est une chose ridicule, les citoyens font leur service sans armes, et dans les postes, il n’y a que quelques mauvais fusils tout démontés. Des élémens de Vendée éclatent de toutes parts, les montagnes recèlent un grand nombre de déserteurs, de réquisitionnaires, de conscrits, de sabreurs et d’égorgeurs, qui se présentent par bandes de cent sur les grandes routes, pillent les voyageurs, les courriers, assiègent les petites communes, en assassinent les magistrats et viennent faire le coup de fusil jusqu’aux portes de la ville. » On eut aussi des inquiétudes sérieuses pour Bordeaux, pour Rouen.