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le Languedoc, la Guyenne et la Gascogne, où le royalisme disposait de puissans moyens.

Mais ce parti à direction multiple ne savait jamais mettre accord et précision dans ses mouvemens. Le Midi partit trop tôt ; un tumulte de guerre civile y retentit tout à coup. Au milieu de thermidor, une insurrection très sérieuse éclata dans la Haute-Garonne, « se rattachant à une conspiration plus étendue[1] ; » Toulouse se vit subitement cernée, « sur les deux tiers de sa circonférence, » par douze ou quinze mille rebelles, avec des armes et du canon, sous des chefs réguliers. Les républicains, les patriotes du Midi, heureusement pour eux, n’étaient pas moins organisés que les royalistes. L’administration centrale de la Haute-Garonne se composait d’hommes énergiques et avisés ; ils improvisèrent une force armée qui dégagea Toulouse, battit l’armée des rebelles à Montréjeau et la dispersa ; la répression fut intelligente et assez douce ; elle ne put empêcher pourtant la grande révolte de se pulvériser en une infinité de troubles locaux. Entre communes blanches et communes rouges, la lutte continua quelque temps.

Les départemens voisins, Gers, Ariège, Aude, Tarn-et-Garonne, Lot-et-Garonne, Lot, s’emplirent aussi de désordres ; treize cantons prirent les armes. Les autorités civiles et militaires, voyant la flamme se propager rapidement, circuler autour d’elles, s’éteindre ici, se rallumer là, ne savaient où courir. Dans la Provence et le Comtat Venaissin, les attentats contre les fonctionnaires et les acquéreurs de biens nationaux, le vol des deniers publics prirent de telles proportions qu’en certaines villes, à Carpentras notamment, les autorités étaient littéralement bloquées et les habitans terrorisés ; on ne trouvait plus de juges pour instruire contre les coupables, plus de témoins pour déposer, plus de jurés pour condamner. Les administrateurs de Vaucluse, avec un désespoir grandiloquent, se disent au centre « d’un volcan de brigandages et d’assassinats. » En ces pays de violence, sur cette terre qui a bu tant de sang, il semble que la population entière soit divisée en partis acharnés à s’entr’égorger. En somme, dans toute la zone méridionale, depuis les Alpes jusqu’à l’Atlantique, le désordre chronique recommence à tourner en anarchie aiguë. Là, sans parler des départemens où la guerre civile et le massacre

  1. Cambacérès.