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avec modération et prudence, et nous ne pensons pas qu’une législation nouvelle, quelle qu’elle soit, les dispense demain de cette obligation. Elle découle, en effet, de l’intérêt politique bien compris. Il n’est peut-être pas impossible, soit en agissant sur les congrégations elles-mêmes sans aller jusqu’à la violence, soit en s’adressant à des autorités qu’elles respectent, de les enfermer, moralement ou matériellement, dans certaines limites, ou de les y ramener. C’est là une affaire de doigté. Il y a des gouvernemens qui y ont réussi ; il y en a d’autres qui renoncent à en faire la tentative, peut-être parce qu’ils se jugent peu capables de la bien conduire, peut-être aussi parce qu’ils ne sont pas exempts de certains préjugés, et qu’ils croient que leur propre autorité doit suffire à tout. C’est alors qu’ils se sentent obligés de l’exagérer et de lui donner des formes brutales, contre lesquelles, comme on l’a vu souvent, l’esprit public ne tarde pas à réagir.

Ainsi, et quoi qu’il en soit de l’avenir, on est obligé de reconnaître le droit strict qu’a le gouvernement de dissoudre une congrégation La loi future pourra régulariser l’exercice de ce droit sans en augmenter l’efficacité. Mais le projet du gouvernement, aussi bien d’ailleurs que la proposition à la rescousse de M. Henri Brisson, se préoccupent en outre, — et ils semblent presque n’avoir pas été faits pour autre chose, — de savoir ce que deviendront les biens des congrégations, lorsque celles-ci auront été dispersées. Projet et proposition ont pour but, le premier surtout, de régler cette matière suivant les principes du droit commun. Toutefois M. Brisson, plus sincère ou mieux instruit, reconnaît l’insuffisance actuelle du droit commun pour atteindre le but qu’il vise, et son second projet aboutit finalement à la refonte d’un certain nombre des articles du code civil qui régissent les biens dans leurs rapports avec ceux qui les possèdent. Il explique fort bien qu’au moment où le code civil a été fait, l’interdiction des congrégations religieuses n’était pas, comme maintenant, lettre à peu près morte : comme il n’y avait pas de congrégations, le code n’a pas eu à se préoccuper de ce qui arriverait si on venait à les dissoudre. Il faut donc compléter le code, et le mettre en rapport avec les nécessités contemporaines. Cela vaut mieux que de faire une loi spéciale : on fera cette loi après, pour appliquer les principes fixés par le code, que M. Brisson considère un peu comme une arche sainte. C’est même à cause de ce respect qu’il éprouve, et qu’il juge partagé, pour le code civil qu’il demande à lui confier le dépôt de ses principes, car, dit-il, « le bon sens indique que, lorsqu’une disposition législative nouvelle et consacrant un progrès est insérée dans l’un de nos codes, il est