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héroïques et puérils, passionnés de grands mots et incapables d’action. Si tels étaient les fils de l’Empire, tel dut être aussi le fils de l’Empereur.

Donc il va, à travers le drame de M. Rostand, tantôt persiflant les gens et tantôt les étonnant du bruit de ses déclamations. Le malheur est que, le duc de Reichstadt n’ayant rien fait dans l’histoire, il était difficile qu’il fît rien au théâtre. Nous ne nous intéressons pas un instant au semblant de conjuration par lequel on a essayé de donner à la pièce une apparence de trame. D’autre part, le caractère étant établi, dès les premières scènes, tel qu’il restera jusqu’à la fin, on ne peut dire que l’action qui n’est pas dans les faits soit dans le progrès de l’étude morale. Hésitant au premier acte, le prince hésite encore au cinquième. Ces alternatives d’enthousiasme et d’abattement, d’élan et d’irrésolution, ce mouvement de va-et-vient est d’une monotonie fatigante. Il ne suffit pas d’être un prince qui hésite pour être, à quelque titre que ce soit, comparable au prince Hamlet. Nous sommes au théâtre, et bien obligés de convenir que c’est pour une pièce de théâtre un défaut de piétiner sur place. Libre d’esquisser à son gré les traits indécis du duc de Reichstadt, le poète était tenu d’user de moins de fantaisie vis-à-vis de figures que l’histoire a mises dans tout leur jour. Vraiment il a dépassé la mesure, en faisant de Metternich le dernier des imbéciles. Mais au fait, ce Metternich, qui a peur, dans la nuit, d’un déguisement de mardi gras, ce n’est pas Metternich, c’est le traître de tous les mélodrames, et la convention du mélodrame veut que le traître soit à la fois d’une perversité diabolique et d’une simplicité enfantine. Il faut de la drôlerie dans un mélodrame : c’est ici la part du nommé Flambeau, dit Flambard. Ce grognard de l’Empire avait fait une belle entrée. Le morceau où, interprète du sentiment populaire, il exprime l’enthousiasme des soldats pour l’Empereur, est d’une réelle grandeur. Puis le grognard dégénère en farceur. C’est la touche de Raffet qui manque ici, comme aussi bien à la méditation nocturne sur le champ de bataille de Wagram. Les bruits de coulisse y remplacent désavantageusement le souffle de l’épopée. Tout cela fait une pièce peu cohérente, où les parties de vigueur laissent trop à désirer, mais dont on se rappelle des passages agréables, de jolis vers et de jolis mots.

A quoi bon insister sur des défaillances trop visibles ? Ce qui me semble beaucoup plus intéressant, parce que c’est une indication que M. Rostand pourrait mettre à profit, c’est de montrer comment l’écrivain a été cette fois dupe de son propre talent et victime de ses dons. L’un de ces dons, c’est l’ingéniosité. Apparemment, M. Rostand