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une troisième condition intervient ici, c’est la force de l’excitant, qui permet à l’influx nerveux de se répandre et de se diffuser plus au loin. C’est pourquoi les excitations fortes de la sensibilité retentissent sur presque tous les organes, sur le cœur, sur le foie, sur la pupille. Les messages faibles, émanés des viscères sains, s’arrêtent à la moelle et ne provoquent pas de sensation ; les excitations fortes, parties des mêmes parties enflammées, montent jusqu’à l’écorce cérébrale et sont douloureusement senties.

Il y a aussi une condition variable, un état des organes nerveux centralix qui fait que, suivant les circonstances plus ou moins favorables de vitalité, un égal stimulant s’y répand avec plus ou moins de facilité. Cette condition, c’est l’excitabilité, tantôt plus forte, tantôt plus faible. C’est là une idée que la théorie de l’amiboïsme a matérialisée, et dont elle a donné une sorte d’image très claire, en supposant que les contacts des neurones ne sont point permanens et que leurs prolongemens sont en état de se mouvoir et d’ouvrir et de fermer les communications avec les neurones voisins. Ce que les physiologistes expliquaient par les variations de l’excitabilité des centres, les partisans de la théorie nouvelle, comme MM. Lépine, Mathias Duval et Demoor en rendent compte plus clairement par des contacts matériels qui peuvent s’établir ou ne pas s’établir.

Enfin, une dernière condition qui joue, sans doute, un grand rôle, c’est l’habitude. La répétition d’un acte arrive à le rendre plus aisé : les voies deviennent plus faciles à l’influx nerveux à mesure qu’il les parcourt d’une manière plus réitérée. C’est là encore une idée qui devient plus claire dans l’hypothèse de la mobilité des expansions cellulaires. L’exercice modéré, qui grossit le muscle, grossirait aussi la cellule nerveuse, d’après les observations d’un anatomiste italien Tanzi ; il pourrait donc élargir les routes habituelles à l’influx nerveux, et faciliter ainsi l’action qui se répète. — Mais, somme toute, si la conception générale du fonctionnement nerveux est rendue plus claire par la théorie du neurone mobile, elle ne perdrait qu’une image, qu’une représentation matérielle, le jour où cette théorie serait renversée ; et ces révolutions de l’anatomie n’auront pas amené de bien grands bouleversemens dans les doctrines physiologiques.


A. DASTRE.