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se font un point d’honneur de ne porter que des articles nationaux.

Comme en Italie et en Autriche, vers 1870, la dentelle avait en Suède un marché des plus étroits. En 1874, quelques artistes et un groupe de femmes du monde, à la tête desquelles figurait la femme du prince héritier, fondèrent une société des « amis du travail manuel » (Handarbetets Vänner), qui avait pour but d’encourager et de pousser dans une voie artistique le travail des femmes à domicile : la dentelle fut spécialement patronnée. Cette société a créé dans tout le royaume des écoles d’apprentissage et de perfectionnement ainsi que des ateliers féminins ruraux ; elle organise des expositions de ses produits et de ses modèles, et fait faire à l’étranger des enquêtes sur les diverses industries féminines ; enfin elle possède à Stockholm un comptoir d’achat, de vente et de commission : le client s’adresse là et choisit son modèle, le comité le fait alors exécuter dans l’un de ses ateliers ruraux. En ce qui concerne la dentelle, les résultats ont été particulièrement décisifs : autrefois, les dentelles de Scanie et de Dalécarlie servaient exclusivement à l’ornementation des costumes nationaux ; elles ont aujourd’hui des marchés d’exportation.


Ces divers exemples sont assez significatifs, et il s’en dégage plus qu’une indication, — on oserait presque dire une loi, — qu’il convient de bien mettre en évidence : c’est que la solution du problème industriel et social de la dentelle, aisée dans un pays monarchique, plus difficile dans une république, dépend surtout de l’intervention de l’aristocratie et des hautes classes ; en fin de compte, nous arrivons à la conclusion de M. Charles Benoist dans sa magistrale enquête sur les Ouvrières de l’aiguille, et nous constatons qu’ici encore « le sort de la femme qui travaille est entre les mains de la femme qui fait travailler. »

Il conviendrait donc, à l’instar de ce qui se fit en Italie, en Autriche et en Suède, de constituer au plus tôt en France un comité de patronage de la dentelle à la main, principalement recruté parmi les femmes du monde, seules capables, à l’heure présente, de reconquérir quelque influence sur la direction générale de la mode. Mais sur quelles bases l’établir et quel serait son fonctionnement, son mode d’action ? le lecteur comprend sans peine que ce sont là des questions d’appréciation, qui appellent la discussion et le contrôle le plus réfléchi ; quant à nous, nous