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fardeau de l’épiscopat pesait à ce fils de roi qui avait soif de paix et d’oubli. Il partit pour Rome dans l’intention d’obtenir que le pape l’affranchît de l’autorité spirituelle, dont il avait été investi, comme lui-même s’était affranchi de la royauté promise. C’est dans ce voyage de seconde abdication qu’il fut arrêté par la maladie à Brignoles et qu’il mourut, en demandant merci à Dieu, puisqu’il était enlevé à la terre si jeune, avant d’être assez riche de mérites pour la céleste cour.

L’exemple donné par Louis d’Anjou était éclatant, et l’on peut comprendre que les franciscains, après avoir travaillé à sa canonisation, en aient fait l’un de leurs saints les plus illustres. Pourtant, à lire sa vie telle qu’elle a été rédigée par son propre chapelain, un Italien de Trani, en Pouille, il semble que l’évêque de Toulouse ait été vraiment un étranger pour l’Italie. Il ne fait que passer à Rome et même à Naples ; les années de son adolescence appartiennent à la Catalogne, son enfance et son épiscopat à la Provence et au Languedoc. Comment donc les franciscains d’Italie ont-ils été amenés à vouer un culte spécial au saint dont Toulouse conservait la mémoire bénie, et Marseille le tombeau miraculeux ?

Tout d’abord, il faut reconnaître que saint Louis d’Anjou avait pu laisser des souvenirs de sa personne même aux communautés franciscaines de Sienne et de Florence. Le jeune évêque avait passé par la Toscane en allant vers la France, où l’attendait le troupeau confié à sa garde. Il fut logé à Sienne dans un couvent des frères mineurs et voulut, après le repas, descendre à la cuisine et laver la vaisselle. A Florence, il refusa l’appartement qu’on lui avait préparé au palais du Podestà, pour accepter une cellule au monastère de Santa-Croce ; il y fit réunir des pauvres et les servit à table. On reconnaît la scène qui fut représentée dans le réfectoire par un peintre giottesque ; lorsqu’elle avait eu lieu, Giotto avait déjà trente ans.

Les franciscains d’Italie ne se contentèrent pas de suivre saint Louis sur les routes de Toscane, à la trace lumineuse de ses exemples ; ils voulurent, puisque sa vie s’était passée presque entière au delà des Alpes, le rattacher à leur patrie par ses miracles. Les prodiges opérés par les reliques de saint Louis d’Anjou, tels qu’ils ont été reconnus par les enquêteurs, cités dans la bulle de canonisation, détaillés dans les deux récits originaux de la vie du saint, se trouvent à peu près tous localisés en Provence.