Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/624

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Louis IX vêtu de la tunique brune serrée par le cordon blanc, pas même ce comte allemand qui se moquait bruyamment à la cour de Gueldre des vêtemens modestes que portait ce « misérable papelard de roi. » Si l’on se souvient que saint Louis tint la balance égale entre les frères prêcheurs et les frères mineurs, et qu’il avait un confesseur dominicain ; si l’on veut surtout le voir tel qu’il fut, d’un sens trop ferme et d’une décision trop indépendante pour s’enrôler comme simple soldat dans une des armées de l’Église, on sera persuadé, comme les rédacteurs mêmes des Acta sanctorum, que le saint Louis roi et tertiaire n’est qu’une légende des franciscains.

Pour saint Louis d’Anjou, évêque de Toulouse, ils ont tous les droits de le compter parmi les leurs. On ne peut souscrire à leurs prétentions mal appuyées de ranger dans le Tiers Ordre la plupart des rois et des princes pendant plus de deux siècles, dans l’Europe entière. Mais les franciscains peuvent citer l’exemple authentique d’un prince royal qui entra dans le Premier Ordre de saint François. On connaît la simple et courte vie du second fils de Charles II d’Anjou, roi de Sicile. Louis passa sept ans de sa jeunesse à Barcelone, où il avait été envoyé comme otage avec deux de ses frères, à la place de son père, fait prisonnier devant le golfe de Naples dans une bataille imprudemment engagée contre la flotte des Siciliens et des Aragonais. La cour étrangère où l’enfant grandit était alors subjuguée par l’autorité mystique d’Arnauld de Villeneuve, ce personnage déconcertant qui fut à la fois un médecin très savant et un partisan fanatique des idées franciscaines les plus exaltées. Au milieu des frères mineurs, catalans ou napolitains, le jeune prince ne respirait que les joies du renoncement. Aussi lorsqu’il fut pris, pendant sa captivité, des premiers crachemens de sang, symptômes du mal qui allait bientôt l’achever, l’adolescent fit-il le vœu de quitter le siècle, pour appartenir tout entier à l’Ordre qui déjà possédait son âme. Quand la liberté lui fut rendue, la mort de son frère Charles-Martel le faisait héritier de la couronne de Sicile et de Jérusalem. Mais, fidèle à sa vocation, il renonça solennellement au trône qui l’attendait. Ordonné diacre à Naples, dans l’église des mineurs, San-Lorenzo, il prit l’habit monacal à Rome des mains de Boniface VIII. En même temps, le pape contraignit ce franciscain de vingt ans d’accepter l’évêché de Toulouse qui venait d’être vacant. Le frère Louis se soumit et alla prendre possession de son siège. Mais le