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en église et de siècle en siècle, en leur commentant avec une angélique longanimité le sens historique et mystique des chefs-d’œuvre, Baedeker de l’Invisible... Il a dit de nobles choses devant l’image du saint Louis de France, et très justement il a indiqué que, si le roi avait sa place dans cette église franciscaine, c’était comme saint franciscain. Pour élever les âmes de ses lecteurs à méditer avec lui par un peu de musique ancienne, il leur a traduit une page des Fioretti :

« Comment Saint Louis, roi de France, en personne, sous figure de pèlerin, alla à Pérouse visiter le saint frère Egidio... Donc, le portier vint à frère Egidio et lui dit qu’à la porte il y a un pèlerin qui le demande ; et par Dieu lui fut inspiré que c’était le roi de France. Il sortit de sa cellule et courut à la porte. Et sans autre chose demander, et sans que jamais ils se fussent vus ensemble, avec une très grande dévotion s’agenouillant, ils s’embrassèrent et se baisèrent avec autant de familiarité que si pendant longtemps ils avaient tenu grande amitié ensemble. ils ne parlaient ni l’un ni l’autre, mais se tenaient ainsi embrassés, donnant les signes d’un amour plein de charité, en silence. Et, quand ils eurent été longtemps de cette manière sans se dire une parole, ils se quittèrent, et saint Louis s’en alla à son voyage, et frère Egidio à sa cellule... »

Laissons-nous enchanter, nous aussi, par la douce « Canzone ». Que saint Louis ne soit jamais venu à Pérouse, ni d’ailleurs en Italie, et qu’il soit vain de chercher dans les « itinéraires » du roi la place des sept années pendant lesquelles il aurait disparu de son royaume, parti pour ce long pèlerinage où il rencontra frère Egidio, avons-nous besoin d’y penser ? Mais il est une question qu’on ne peut s’empêcher de poser devant le saint Louis de Giotto : est-il vrai que le roi ait porté ce cordon de Saint-François que le peintre a mis dans sa main gantée ? Sans doute le pape Paul IV a cité solennellement le roi saint Louis parmi les saints du Tiers Ordre, et l’office que récitent encore les tertiaires de tous pays répète que le saint roi embrassa la règle de la Pénitence. Les érudits franciscains donnent même la date de sa profession, qui prendrait place au retour de la croisade de Damiette, et les dévots de l’ordre allaient encore au siècle dernier vénérer à Paris, dans le couvent des Clarisses du faubourg Saint-Marcel, la robe de bure portée par Louis IX. Mais là se bornent les témoignages, et tous ils sont récens. Aucun contemporain n’a vu