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Lire la Déroute des Hussards blancs qui suit le sacrifice solennel du vieux cheval pie réformé, le cheval légendaire de la musique du régiment. Depuis des années, trop longues pour qu’on les compte, il a porté les timbales d’argent, et les hussards jugent qu’il pourrait bien les porter encore ; mais le colonel, un tyran désagréable, se montre inflexible. Là-dessus le lieutenant Hogan-Yale, fils d’un lord irlandais, achète le cheval, censé pour avoir le droit de lui loger une balle dans la tête, et tout le régiment fait à la victime de fastueuses funérailles. Quelle est donc l’épouvante des hommes quand ils voient revenir tout à coup le vieux cheval pie lancé au galop, et portant en guise de cavalier un squelette ; une panique s’ensuit ; pour la première et l’unique fois on voit fuir les hussards invincibles. Combien de détails amusans, quoique puérils ! Le lecteur suit les progrès de la mystification avec une curiosité dont il est presque honteux, car, après tout, ce sont des jeux d’enfant. Le fait est que Hogan-Yale a maquillé un cheval blanc pour l’immoler à la place du vénérable timbalier, et que tout le monde y a été pris, et que personne n’osera aller au fond des choses, pas même le colonel bourru et autoritaire. Il est réduit à décider que, puisque le vieux cheval pie s’est montré capable de faire courir tout un régiment, il est digne de garder encore sa place d’honneur à la tête de la musique. Mais la discipline ? Le lieutenant, fils de lord, ne s’en soucie guère. L’idée ne paraît pas lui venir que l’exemple donné d’en haut puisse être suivi aux derniers rangs.

Nulle part le goût de l’insubordination réprimé par la force n’est mieux rendu que dans la nouvelle intitulée le Détachement ivre. Cinquante vigoureux gaillards, saturés de bière et de whisky jusqu’à la fureur, campent pour la nuit sur la route de Bombay, près d’une station du chemin de fer en construction, où les travailleurs indigènes employés sur la voie supportent de leur part les pires sévices. Les vociférations, les blasphèmes, retentissent à d’énormes distances ; ils chantent la messe du diable, qui consiste à envoyer au diable, en les énumérant par leurs noms, tous les officiers du régiment, depuis le commandant en chef jusqu’aux caporaux. Brandissant leurs piquets de tente, ils menacent, ils attaquent, et pendant ce temps, l’officier chargé de conduire ces forcenés ronge son frein.

Mon Dieu, oui, l’ivresse est comprise de cette façon grandiose dans l’armée anglaise, non pas un homme, ni dix, mais, à l’occasion,