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aptes, avec ou sans lui, à faire le gouvernement de demain.

Leur coterie avoisine celle de Siéyès, sans se confondre avec elle. Au reste, chaque coterie se croit un parti ; chaque parti devient une faction. Les votes de l’assemblée sont enlevés par surprise ou par intrigue, les discussions tumultueuses. A tout instant, des motions d’ordre, portant sur des objets politiques, interrompent les discussions d’affaires et déchaînent les passions. Chaque message important du Directoire suscite un orage : « Une grande partie des membres se lèvent, s’agitent, s’apostrophent. En vain le président agite sa sonnette pour rappeler les membres à l’ordre ; les huissiers s’égosillent à rappeler au silence ; le tumulte est à son comble ; on n’entend plus le lecteur ; on ne s’entend plus soi-même. » Et le public, écœuré de ces scènes, prenait encore plus en dégoût le régime des assemblées.


V

Paris avait trop de deux Chambres ; avec un inexprimable effroi, il en vit surgir une troisième, qui s’instituait de sa propre autorité et ne tenait son mandat que d’elle-même. Pour ranimer l’enthousiasme populaire, il avait paru utile de rendre la main aux associations politiques. La plus grande et la plus fameuse de toutes, le club des Jacobins, supprimé en brumaire an IV, jugea l’occasion bonne pour se reconstituer. Sa résurrection fut un événement. Sous le titre de Société des Amis de la Liberté et de l’Égalité, les Jacobins obtinrent permission de délibérer dans la salle du Manège, où s’étaient tenues la Constituante, la Législative et, pendant un certain temps, la Convention ; le Manège, voisin des Tuileries, faisait partie des locaux affectés au Conseil des Anciens, qui siégeait dans le château.

La réouverture du club se fit dans le milieu de messidor, les séances devant avoir lieu tous les soirs. Quelques centaines de personnes, dont beaucoup de députés, s’étaient inscrites à la réunion ; pour éluder certaines prohibitions constitutionnelles, on nomma au lieu de président un régulateur, des annotateurs en guise de secrétaires ; il y eut une tribune aux harangues, des ordres du jour et des votes, un public nombreux, des comptes rendus insérés dans les journaux, une parodie de parlement.

Les énergumènes prirent immédiatement le dessus. Une rivalité