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variétés de royalistes, depuis les bourgeois monarchiens, constituai de 1789, constitutionnels de 1791, jusqu’aux partisans intransigeans de l’ancien régime, conspirateurs de Paris, rebelles et égorgeurs du Midi, chouans de Normandie, de Vendée et de Bretagne ; à l’autre extrémité de l’opinion, les Jacobins, dénommés aussi anarchistes ou exclusifs. Ceux-là étaient, dans leur majeure partie, les débris de la horde qui, en 1793 et 1794, avait supplicié la France, le reliquat de la Terreur.

Avec ce parti, les gouvernans n’étaient pas en lutte permanente ; ils le lâchaient parfois contre les modérés et les royalistes, quitte à le refréner ensuite. Pour eux, c’était tantôt l’adversaire, tantôt un corps de réserve. Le parti jacobin demeurait sur la lisière du pouvoir, un pied dedans, un pied dehors. Beaucoup de ses membres restaient dans les emplois : les autres en avaient été exclus et aspiraient à y rentrer. Ils avaient quelques meneurs en chef et des meneurs en sous-ordre, les « sous-officiers » de la troupe anarchiste, comme disait Bonaparte, mais ces cadres demeuraient vides, car le peuple de Paris et des grandes villes ne les remplissait plus.

Désabusée et dégrisée, la population ouvrière de Paris, celle des faubourgs, n’ajoutait plus foi aux faiseurs de systèmes, aux marchands de bonheur public ; un journal la montre ne demandant plus que de l’ouvrage, résignée à « chercher dans le travail un remède à ses maux... ; trompée par tant de promesses illusoires, la défiance est aujourd’hui le sentiment qui la domine ; » volontairement, elle détournait ses regards de la scène politique et s’éloignait de ce grand tréteau. Son effort dernier avait été sa furieuse poussée contre la Convention, en germinal et prairial an III, lors de l’épouvantable disette, pendant la grande crise de la faim ; ceux qui voulaient des places avaient réussi alors à entraîner ceux qui voulaient du pain. Aujourd’hui, le peuple vivait mal, mais vivait à peu près ; d’ailleurs, on avait retiré aux faubourgs leurs canons, leurs piques, une grande partie de leurs fusils ; la garde nationale n’était plus guère qu’un simulacre. Au milieu de la masse désarmée et inerte, les Jacobins formaient des groupes épars et isolés, des essaims bourdonnans, des « petites colonies » de perturbateurs ; leur force réelle ne répondait plus à la frayeur qu’ils inspiraient.

Les révolutionnaires nantis ne disposaient pas non plus du peuple, mais ils avaient les armées. Lors du péril national, les